Présidentielle algérienne : jeu de massacre pour 2014

Abdelaziz Belkhadem évincé de la direction du FLN, Ahmed Ouyahia « démissionné » de celle du RND, la course à la succession d’Abdelaziz Bouteflika n’a jamais été aussi indécise en Algérie.

L’échiquier politique algérien ressemble à un chant de ruines. © J.A

L’échiquier politique algérien ressemble à un chant de ruines. © J.A

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 19 février 2013 Lecture : 4 minutes.

D’un extrême, l’autre… Avant, on respectait le chef, quel qu’il fût et quoi qu’on pût lui reprocher. Aujourd’hui, on « redresse » à tout va. Même un CV long comme le bras ne prémunit en rien contre un coup de Jarnac. Les têtes tombent, les unes après les autres. Parmi les trois anciens ténors de l’ex-alliance présidentielle, deux ont déjà rendu les armes, Ahmed Ouyahia, du Rassemblement national démocratique (RND), et Abdelaziz Belkhadem, du Front de libération nationale (FLN). Le premier n’a pas attendu qu’on le mette à la porte et a préféré démissionner. Le second a tout tenté pour sauver son scalp, mais il a tout de même été évincé.

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Reste le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), qui ne se porte guère mieux, miné par les dissensions, les échecs électoraux et les affaires. Son chef, Bouguerra Soltani, qui affronte depuis de longues années une fronde interne jusqu’ici maîtrisée, pourrait bien être le prochain sur la liste des « redressés », comme on dit en Algérie. Ailleurs dans l’opposition, les leaders d’antan, longtemps indéboulonnables, quittent également le champ de bataille. Ainsi de Hocine Aït Ahmed ou de Saïd Sadi, qui ont passé la main, laissant à leurs fragiles héritiers le soin de porter sur leurs épaules le fardeau que représentent des partis historiquement importants mais au poids électoral déjà faible du temps des illustres anciens.

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À un peu plus de un an d’une présidentielle censée être capitale, compte tenu du départ probable de celui qui « tient la baraque » depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika, mais aussi d’un environnement extérieur aux antipodes de ce qu’il était il y a seulement deux ans, avant le déclenchement du Printemps arabe, c’est un champ de ruines qui tient lieu d’échiquier politique. Miser ne serait-ce que 1 dinar sur l’identité non pas des têtes d’affiche mais simplement sur celle des futurs candidats, c’est déjà prendre un risque énorme…

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La grande discrète

Et puis il y a l’« effet In Amenas », qui a ramené sur le devant de la scène une institution militaire qui, depuis la première réélection de « Boutef », en 2004, avait appris à se faire discrète. Jadis omnipotente, sous l’effet conjugué de son rôle historique et de l’influence d’un certain nombre de généraux, depuis disparus ou mis à la retraite, elle n’incarne plus ce centre névralgique du pouvoir qui décide tout et tout seul. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne joue aucun rôle. Surtout s’agissant de l’un des derniers « janviéristes »* encore en activité, le général Mohamed Mediène, alias Toufik, patron du tout-puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS), en poste depuis… septembre 1990. Quelle sera l’attitude de l’armée lors de la présidentielle d’avril 2014 ? Tentera-t-elle d’imposer un candidat ou, au contraire, laissera-t-elle les politiques se débrouiller entre eux ? L’armée algérienne n’est pas une entité homogène adepte de la pensée unique. Si certains comptent sans doute peser sur la succession de Bouteflika, la plupart des « jeunes » officiers entendent rester dans leur rôle, c’est-à-dire dans les casernes.

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Changement

Abdelaziz Bouteflika, face à un tel vide et devant la résurgence de la menace terroriste, qui pourrait par ailleurs inciter à plus de clémence les pays occidentaux qui ne goûtent guère les chefs d’État qui s’accrochent au pouvoir, décidera-t-il de poursuivre sa mission, ne serait-ce que pour quelques mois ? D’après nos informations, bien que son cerveau soit l’un des plus insondables du continent et qu’il ne se confie qu’à un cercle de plus en plus restreint de personnes, le président observe attentivement les querelles intestines au sein de « son » parti, le FLN, comme au sein du RND. Mais il ne s’implique nullement, ni pour sauver l’un de ses ex-soldats, ni, au contraire, pour l’enfoncer un peu plus. Il n’envisagerait pas non plus, en dépit des rumeurs persistantes, de prolonger son séjour à El-Mouradia.

À ceux qui réclamaient, dans un réflexe quasi pavlovien, un quatrième mandat à la fin d’un discours prononcé à Sétif en mai 2012, alors qu’il venait tout juste d’expliquer que sa génération était arrivée au bout de son chemin, il a répondu, en les priant de se taire : « Longue vie à ceux qui connaissent leurs limites… » Un message sibyllin, certes, mais tout de même. Ceux qui le côtoient savent qu’il n’a pas prononcé ces paroles en l’air. Comme ils peuvent imaginer qu’il ne souhaite pas non plus, car ce ne serait même pas dans son intérêt, annoncer son départ avant l’heure.

Reste que les Algériens attendent du changement. À leur manière, avec une infinie patience, pour ne pas dire avec résignation, ce qui n’est pas sans surprendre tous ceux, et ils sont nombreux, qui pensaient naïvement que l’Algérie suivrait le chemin emprunté par la Tunisie, l’Égypte ou la Libye. L’évolution des révolutions nord-africaines ne les incite d’ailleurs pas à secouer plus que de raison le palmier algérien… Ils se posent cependant nombre de questions et ont du mal à comprendre le jeu de massacre auquel se livre subitement leur classe politique. Seule certitude, désormais : la succession de Bouteflika ressemble de plus en plus au triangle des Bermudes…

* Du nom de ceux qui ont décidé l’interruption du processus électoral en janvier 1992, comme Khaled Nezzar, Mohamed et Smaïn Lamari ou Abdelmalek Guenaïzia.

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