Rwanda : « l’inconfort » de la diète
Accusé, malgré ses protestations, de soutenir les rebelles en RDC et lâché par plusieurs bailleurs de fonds, le Rwanda revoit ses ambitions budgétaires à la baisse.
Le 1er février, à l’occasion d’une visite de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, l’Allemagne a décidé de débloquer une partie de son aide au Rwanda, suspendue depuis six mois. Pour Kigali, c’est un joli succès diplomatique. Mais il en faudra plus pour sortir de la crise budgétaire, et les 7 millions d’euros obtenus seront affectés à des programmes de développement plutôt qu’au budget de l’État, comme prévu initialement.
Depuis juillet 2012 et le rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo (RDC), qui accuse Kigali de soutenir les rebelles du M23, de nombreux donateurs (la Banque africaine de développement, les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède ou encore l’Union européenne) ont suspendu leur aide budgétaire au Rwanda. Pour Kigali, le manque à gagner est estimé à 177 millions d’euros, et ses démentis réitérés n’ont pour l’instant rien changé.
Le gouvernement rwandais va donc devoir se serrer la ceinture, d’autant que le budget présenté au Parlement en juin 2012 devait être financé à plus de 40 % par des ressources externes. Dans l’immédiat, le ministère des Finances a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2013, de 7,8 % à 6,3 %. « En tablant sur une reprise du soutien des donateurs au premier semestre, nos projections donnent une croissance d’environ 7,5 % en 2013, indique Mitra Farahbaksh, la représentante du Fonds monétaire international (FMI) au Rwanda. Mais une suspension sur tout 2013 aurait de lourdes conséquences. Les plus pauvres seraient frappés très durement. »
Situation "inconfortable"
Selon l’hebdomadaire britannique The Economist, la pénurie de devises aurait, pour la première fois depuis 1994, provoqué l’émergence d’un marché noir des changes.
Dans son édition du 12 janvier, l’hebdomadaire britannique The Economist faisait état de premiers signaux inquiétants. La pénurie de devises, affirme-t-il, aurait, pour la première fois depuis 1994, provoqué l’émergence d’un marché noir des changes. Les primes des docteurs et infirmières, représentant jusqu’à 40 % de leurs revenus, ont été supprimées. Un constat alarmiste que conteste le député Abbas Mukama, vice-président de la commission du Budget. « C’est inexact, s’insurge-t-il. Nous n’avons pas de problème de réserves de change, et la décision sur les primes des médecins n’était pas liée au manque d’aide, mais à notre politique de rationalisation de l’argent public. » « Pour l’instant, je n’ai pas ressenti de ralentissement, confirme une jeune entrepreneuse, dont la société exporte sur tout le continent et qui se dit rassurée par la relative stabilité du franc rwandais. Notre monnaie n’a perdu que 3 % par rapport au dollar en un an. »
La situation est « inconfortable », a reconnu le président Paul Kagamé dans une interview accordée fin janvier à la chaîne de télévision américaine CNN. « Mais nous avons traversé des situations bien pires », répète-t-on dans les cercles dirigeants. Les Rwandais (y compris ceux de l’étranger) sont appelés à contribuer au fonds de développement Agaciro (« dignité », en kinyarwanda), un fonds souverain lancé en août 2012 et qui doit servir à financer des projets d’utilité publique. Jusque-là, quelque 7 milliards de francs rwandais (8,2 millions d’euros) ont été récoltés. Au ministère des Finances, on planche depuis janvier sur une révision du budget de l’État, qui devrait acter des coupes, des reports d’investissements et un gel des embauches. À moins que le soutien des bailleurs de fonds reprenne très rapidement.
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