Christiane Taubira et le mariage pour tous, à coeur vaillant rien d’impossible
Cible privilégiée de l’opposition à ses débuts en tant que garde des Sceaux, la ministre française s’est imposée lors des débats sur le mariage pour tous qui ont enfiévré l’Assemblée nationale.
Paris, le 7 février, au Palais Bourbon. Il est 18 h 30. « Et ce n’est pas fini ! lance Christiane Taubira à Christian Jacob, le chef du groupe UMP à l’Assemblée nationale. J’en ai encore pour vous ! » En cette fin d’après-midi, comme les dix jours précédents, la ministre de la Justice a montré aux députés de l’opposition qu’elle ne leur céderait rien lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.
La réforme, historique, est l’une des promesses de campagne phares de François Hollande. La garde des Sceaux est chargée de défendre le texte avec Dominique Bertinotti, la ministre de la Famille, qu’elle a reléguée au rôle de figurante. Siégeant jour et nuit, le nez plongé dans la Constitution et le code civil. Ne répondant que lorsqu’elle l’estime nécessaire et provoquant la colère de l’opposition quand elle garde le silence face à quelques-uns des 5 000 amendements déposés. Taubira impose son rythme et en impose. « Elle connaît le projet de loi par coeur et a toujours la citation qu’il faut au bon moment », observe l’assistante parlementaire d’un député écologiste.
Roses
Suivis en direct sur internet, ses moindres faits et gestes sont aussitôt commentés sur les réseaux sociaux et par les médias français, soudain atteints de « Taubiramania ». « Christiane, écrivent-ils, remet untel à sa place », « est prise d’un fou rire », « pousse un coup de gueule » ou « fait une bourde » : sa moindre sortie est disséquée, savourée. Des militants promariage gay ont déjà récolté près de 10 000 euros pour lui offrir des roses à la Saint-Valentin…
Les députés du Parti socialiste – dont elle n’est pas membre, étant issue du Parti radical de gauche – succombent eux aussi. « Elle donne un sens à ce que nous faisons et nous rassemble dans une oeuvre collective », s’ébaubit Razzy Hammadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis.
À 61 ans, Christiane Taubira, divorcée et mère de quatre enfants, passe pour la révélation du moment. Un point de vue que nuance Serge Bilé, journaliste et écrivain franco-ivoirien, qui la connaît depuis 1994. « Cette femme au caractère bien trempé est exactement la même depuis vingt ans. Ce qui a changé, c’est le regard des gens et le fait qu’elle passe sur toutes les chaînes nationales. C’est enfin une reconnaissance de son talent, de son verbe et de son combat, mais aux Antilles et en Afrique, elle est une star depuis longtemps ! »
Christiane Taubira déclame Léon Gontran Damas à l’Assemblée nationale.
Fatigue
En effet, celle qui a été députée de Guyane pendant dix-neuf ans n’en est pas à son premier grand combat politique. En 2001, c’est elle qui fait voter la loi qualifiant l’esclavage de crime contre l’humanité. Elle encore qui, contre vents et marées, se présente à l’élection présidentielle de 2002 et recueille, en plus de ses 2,32 %, les reproches amers de beaucoup de socialistes, qui l’accusent d’avoir fait perdre Lionel Jospin. Elle qui, depuis qu’elle a été nommée par François Hollande en mai 2012, a connu des débuts difficiles et a été la cible favorite de l’UMP. Elle à qui ses adversaires ne cessent de reprocher son passé de militante indépendantiste.
« J’en ai vu d’autres », semble dire aujourd’hui le sourire qui ne la quitte que rarement, malgré la fatigue. Et c’est peut-être ce recul qui lui permet aujourd’hui une telle liberté de ton. Ainsi déclarait-elle le 29 janvier à la tribune de l’Assemblée, dans un discours fleuve, prononcé sans notes et déjà considéré comme historique : « Vous pouvez continuer à refuser de regarder autour de vous, à refuser de tolérer la présence, y compris près de vous, peut-être dans vos familles, de couples homosexuels… » L’opposition en est restée, un instant, bouche bée.
Le fou rire de Christiane Taubira à l’Assemblée nationale.
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