À l’encre noire

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  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 10 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Noirs d’encre, de Dominic Thomas, peut être considéré comme l’une des études les plus profondes et les plus détaillées sur les littératures afro-françaises. L’auteur, Britannique d’origine, chef du département d’études françaises et francophones à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), est l’un des premiers à avoir conceptualisé, dans un livre en anglais paru en 2007, la formule Black France, terme qui a beaucoup été utilisé ces dernières années dans l’Hexagone sous la traduction de « France noire ». En 2011, il s’est fait remarquer en cosignant l’ouvrage-événement La France noire. Trois siècles de présences, aux côtés de Pascal Blanchard et de Nicolas Bancel, entre autres.

Dans la préface, Achille Mbembe montre comment Noirs d’encre a dessiné « à l’encre noire un nouveau portrait de famille de la France ». Il conclut que ce pays aurait désormais intérêt à « assumer sans honte ni regret une identité postcoloniale qui tiendrait compte de sa longue histoire d’échanges avec le Tout-Monde ». L’ouvrage de Dominic Thomas est donc aussi un vibrant plaidoyer pour cette vérité salutaire dans les rapports entre l’Europe et l’Afrique.

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Divisé en six chapitres, Noirs d’encre questionne d’abord le « franco-centrisme colonial » marqué par la mission colonisatrice de la France et l’idée d’une supériorité culturelle de l’Occident. Le chapitre intitulé « Identité noire et prise de conscience » rappelle le bouillonnement de ce « Paris culturel », où les littératures africaines-américaines ont croisé celles de l’Afrique subsaharienne. Dominic Thomas analyse également le discours sur l’esclavage contemporain au miroir de l’Histoire ; et ce, au moment où naît un certain afro-parisianisme qui interroge la place dans la société française des communautés et de leurs cultures, généralement opposées à celles du pays d’accueil. On assiste par ailleurs à la manifestation de nouveaux codes urbains ou vestimentaires (la Sape) dans la « littérature de migration ».

Le chapitre final sonne alors comme une interrogation pour cette jeunesse africaine qui embrasse la mondialisation. Une autre littérature apparaît, moins franco-centrée et plutôt tournée vers la « littérature-monde ». On retiendra la conclusion de l’ouvrage qui scrute les Black studies et la « question noire » présente dans les débats ces derniers temps en France.

Outre sa riche dimension de bilan, Noirs d’encre est un livre de réflexion sur les rapports entre la France et ses anciennes colonies. Il vient par conséquent combler un grand vide dans la compréhension de ce que certains appellent aujourd’hui la « pensée noire ».

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