Livres : Printemps arabe, le Net plus ultra
Deux ouvrages reviennent sur le rôle d’internet et son inscription dans le paysage social et politique au Maghreb et au Proche-Orient. Un phénomène plus ancien qu’on pourrait le croire.
Deux ans après, l’enthousiasme post-Printemps arabe cède la place aux premiers bilans. Qualifiés de révolutions (au choix) internet/Facebook/Twitter/Wikipédia, ces soulèvements interrogeaient dès leur éclatement le rôle de la Toile. Deux ouvrages, parus fin 2012, apportent de précieux éclairages sur le sujet.
Accumulation
Après une période de méconnaissance, les médias et les spécialistes de la région ont subitement découvert, début 2011, les cybermilitants tunisiens ou égyptiens, comme s’il s’agissait d’une génération spontanée. Exemples à l’appui, le blogueur Mounir Bensalah montre pourtant, dans son livre-témoignage Réseaux sociaux et révolutions arabes ?, comment les militants arabes sur internet sont le produit d’une accumulation relativement longue – à l’échelle de l’histoire du web. Les premiers blogueurs arabes se font connaître dès 2003-2004, autour de la deuxième guerre d’Irak. Les initiés lisaient déjà le blog de l’Égyptien Wael Abbas bien avant que le jeune ingénieur de Google Wael Ghonim lance en 2010 sa page Facebook « Nous sommes tous Khalid Saïd », du nom d’un jeune Égyptien tué par la police.
Il y a en réalité une histoire à écrire de ces pionniers du cyberactivisme, pays par pays. Animateur depuis 2005 de l’excellent blog « Culture et politique arabes », véritable carnet de recherches, l’universitaire Yves Gonzalez-Quijano livre une synthèse stimulante dans Arabités numériques. Il s’attache moins aux outils qu’aux usages propres qui en sont faits dans le monde arabe. Il explique, par exemple, le succès de YouTube en Arabie saoudite, où la consommation de vidéos est la plus intense au monde, en analysant « l’économie de l’image » dans un pays sans salle de cinéma, mais où la population, désireuse de s’informer ou de regarder des films et autres clips, possède facilement des ordinateurs et des smartphones. Après l’imprimerie hier, c’est aujourd’hui internet qui « forge et nourrit les révoltes d’une jeunesse en quête d’une seconde Nahda ».
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