À quand le français pour tous ?

Spécialiste en sciences de l’éducation

Publié le 16 février 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est en troisième année du primaire que les élèves de l’école publique font connaissance avec l’idiome de Voltaire. En revanche, ceux du privé s’y attellent dès le préscolaire. Pendant des décennies, certains se sont servi d’un épouvantail : l’acculturation, voire l’aliénation, à travers la langue du colonisateur. L’enseignement de la langue française a vogué au gré des coups assénés par ses opposants. De 1962 à la fin des années 1970, elle fut utilisée pour l’enseignement. Du primaire à l’université. C’était l’âge d’or du système éducatif algérien, quand les enfants issus de familles pauvres accédaient à de prestigieuses filières universitaires. En 1981, elle perd ce statut scolaire au profit de la langue arabe. Dorénavant, le français est enseigné en tant que simple langue étrangère, à partir de la quatrième année du primaire, et se voit même menacé d’être évincé de ce cycle de base.

Avec l’ouverture démocratique, au début des années 1990, la scène scolaire connaît un regain de fièvre anti-langue française. Le ministre de l’époque décide d’organiser un référendum – pas moins ! – auprès des parents d’élèves pour qu’ils choisissent entre l’anglais et le français. Ceux des quartiers populaires, aveuglés par une propagande hostile, optent pour son rejet du cycle primaire. Mais la tentative d’exclusion tourne court. Toutefois, sur le plan purement pédagogique, la dévalorisation du français se traduit par une réduction drastique des heures et du coefficient alloués à la matière. Méthodes, manuels et programmes s’en trouvent bouleversés. Autant de paramètres qui démotivent des élèves conditionnés par un système sacralisant, au-delà de tout entendement, la note chiffrée en vue du passage en classe supérieure.

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S’inscrire dans la marche du siècle

Dans le sillage des établissements scolaires privés, de l’explosion des réseaux sociaux, des télévisions satellitaires et des échanges familiaux avec les centaines de milliers d’émigrés installés en France, l’enseignement du français reprend des couleurs. Seule l’école publique demeure en marge de ce vaste mouvement, pour des raisons évidentes liées au lourd passif d’un enseignement qui s’est montré hésitant des décennies durant. De ces tâtonnements pédagogiques est née une coupure linguistique entre le système scolaire public (de la maternelle au lycée) et l’université. Au plus fort de la croisade anti-langue française, au début des années 1980, les mathématiques, la physique, la chimie et les sciences sont enseignées en arabe dans le secondaire avant d’être francisées à l’université. Et la situation perdure. La langue arabe serait-elle inapte à véhiculer ces savoirs au niveau universitaire ? À moins que derrière cette coupure linguistique, véritable hérésie pédagogique, se cache une volonté non avouée d’opérer un filtre sélectif au profit des enfants des classes aisées.

Ainsi, les filières de prestige telles que la médecine, la pharmacie, l’architecture ou l’informatique sont devenues la chasse gardée des enfants issus de familles aisées qui peuvent bénéficier d’un cursus, dès le préscolaire, dans des écoles privées où l’enseignement du français prend le pas sur celui de l’arabe. Quant aux étudiants issus d’établissements publics et originaires de familles et de régions défavorisées, ils sont exclus de ces filières en vue pour « défaut de langue ». Admis au baccalauréat, ils sont orientés vers les filières des sciences sociales, hypersaturées et qui mènent généralement au chômage. Un demi-siècle après l’indépendance, la reproduction de l’élite sociale, chère à l’école coloniale, continue de creuser son fossé d’inégalités et de discriminations, provoquant une sérieuse menace pour la cohésion sociale et culturelle du pays.

Confrontés aux exigences de la mondialisation, et face à la réalité historique des liens qui nous unissent à la France – réaffirmés lors de la visite de François Hollande -, nos décideurs n’ont qu’un seul choix : s’inscrire dans la marche du siècle. En un mot, revenir aux fondamentaux de la pédagogie.

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