Algérie : l’autre révolution
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 14 février 2013 Lecture : 3 minutes.
Algérie : le grand tournant
Le cinquantenaire de l’indépendance algérienne est révolu. En cette année 2013, aube d’un nouveau demi-siècle pour ce géant endormi, un seul horizon, malgré l’actualité marquée par la dramatique prise d’otages d’In Amenas : la présidentielle de 2014, véritable tournant dans l’histoire contemporaine d’une nation qui a raté moult virages. L’anniversaire de l’indépendance n’a pas représenté, en tout cas pas suffisamment, l’occasion de se pencher sur les raisons profondes de la sous-exploitation de ce fabuleux potentiel que recèle l’Algérie – humain, agricole, énergétique, culturel ou touristique. Pourquoi une telle nation s’est-elle ainsi dérobée à son destin ? Une nation qui ne crée de richesse que grâce à son sous-sol et dont la répartition pose évidemment question. Une nation, aussi, à laquelle ses enfants sont extrêmement attachés mais, comble du paradoxe, dont la plupart rêvent de s’évader. Une nation, enfin, qui n’a jamais cessé d’hésiter entre optimisme et amertume, espoir et résignation. Se penchant trop rarement sur son avenir. Affrontant les tempêtes – et elles furent nombreuses -, recroquevillée, les yeux fermés en attendant que le grain passe sans véritablement chercher à l’éviter. On écope, on bricole, on rafistole, mais on ne change point de navire ni d’équipage.
Cet attentisme, certains diront cette léthargie, est pourtant en train de s’estomper. De manière on ne peut plus naturelle : le temps fait son effet, le renouvellement générationnel introduit de nouvelles perspectives, et les mentalités, grâce à une ouverture sur le monde accélérée par toutes les fenêtres technologiques qui se multiplient (paraboles, internet, téléphonie mobile, réseaux sociaux, etc.), évoluent. Les changements au sein de la société algérienne ont certainement été plus nombreux ces quinze dernières années qu’au cours des trente-cinq précédentes. Un véritable appel d’air, de nouveaux comportements, des aspirations qui s’expriment de manière plus élaborée, des élites qui s’adaptent, une classe moyenne qui se constitue, d’autres méthodes qui apparaissent, glanées ici et là, ailleurs au Maghreb, en Europe, en Amérique ou en Asie. Les dogmes jusqu’ici en vigueur sont remis en question.
Autre bouleversement, et non des moindres, l’intégration croissante des femmes à l’espace public. Si la sphère politique n’est guère concernée, il en va autrement à l’école ou dans les universités. Elles sont de plus en plus nombreuses à avoir un emploi, intègrent les rangs des médecins, des magistrats ou des policiers, souvent avec succès. Et tentent de plus en plus d’échapper à la pression sociale ou aux tabous, luttant pour leur émancipation. Pour l’instant, évidemment, en milieu urbain essentiellement. En attendant plus et mieux…
La prochaine présidentielle sera donc primordiale. Elle ne pourra qu’être véritablement transparente et démocratique, car les Algériens n’accepteront pas qu’on leur impose un candidat. Ce sera à eux, cinquante-deux ans après leur indépendance, de prendre en main leur destin, de choisir celui qui mènera cette véritable transition, d’une Algérie l’autre. Il n’y a plus de temps à perdre ni d’ailleurs aucune raison valable, contrairement à la situation qui prévalait pendant les années 2000, de sacrifier le changement et le dynamisme sur l’autel de la stabilité. Pour cela, ils devront se poser les bonnes questions et, surtout, tout remettre à plat, sans arrière-pensées ni carcans. Pour s’inventer un avenir en concentrant leurs efforts sur la destination souhaitée et non plus sur le point de départ et le chemin jusqu’ici parcouru. Une véritable révolution…
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