États-Unis : John Brennan, le maître des drones à la CIA

Barack Obama a nommé John Brennan, son principal conseiller antiterroriste – qui est tout sauf un enfant de choeur -, à la tête de la centrale de renseignements.

John Brennan (à dr.) avec le président et Michael Morell, directeur intérimaire, le 7 janvier. © SIPA

John Brennan (à dr.) avec le président et Michael Morell, directeur intérimaire, le 7 janvier. © SIPA

Publié le 13 février 2013 Lecture : 3 minutes.

En nommant John O. Brennan, son principal conseiller depuis 2008 pour la lutte contre le terrorisme, à la tête de la Central Intelligence Agency (CIA), Barack Obama a fait un choix qui en dit long sur sa volonté d’oblitérer les aspects les plus sombres de la lutte des États-Unis contre le terrorisme. Rugueux, infatigable (« John n’a pas dormi pendant quatre ans », a plaisanté le président lors d’une conférence de presse) et parlant couramment l’arabe, Brennan, 57 ans, est un choix naturel pour au moins deux raisons : son expérience – il a passé plus de vingt-cinq ans au sein de la CIA, dont quatre comme chef de station à Riyad – et sa proximité avec Obama.

En 2008, il avait déjà été pressenti pour le poste mais avait dû retirer sa candidature à cause de ses déclarations sur la torture telle qu’elle était pratiquée à l’époque (2004-2005) où il était à la tête du Centre national de lutte contre le terrorisme. Brennan avait certes condamné le waterboarding (« simulation de noyade »), mais avait estimé que les interrogatoires poussés auxquels s’adonnait l’administration Bush avaient permis de « sauver des vies ». Et qualifié d’« outil vital » le programme de la CIA d’enlèvements de suspects à des fins d’interrogatoires dans des pays tiers.

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Quatre ans plus tard, la polémique est moins violente. La confirmation de Brennan par le Sénat, qui l’a auditionné le 7 février, ne sera certes pas une formalité (le républicain John McCain a fait part de ses réserves), mais elle devrait quand même être beaucoup moins compliquée que celle de Chuck Hagel au secrétariat à la Défense. Au vrai, alors que Zero Dark Thirty, le film que Kathryn Bigelow vient de consacrer à la traque de Ben Laden, montre sans détour l’extrême dureté des méthodes employées contre les terroristes présumés, le choix de Brennan, auréolé par son rôle dans l’opération qui coûta la vie au chef d’Al-Qaïda, témoigne de l’indulgence des Américains pour les errements de l’ère Bush.

Immunité

Obama a assuré une immunité aux responsables de la war on terror déclenchée par son prédécesseur, et vient de fermer le bureau chargé de préparer le démantèlement du camp de Guantánamo, objectif désormais jugé irréaliste. Selon un récent sondage, 41 % des Américains étaient en 2012 favorables à la torture pour les terroristes emprisonnés. Ils n’étaient que 27 % en 2007.

Depuis quatre ans, Brennan est le principal artisan de l’élimination de chefs jihadistes à l’aide de drones – cette véritable « signature » de l’administration Obama -, notamment au Yémen et au Pakistan. Le tout dans la plus parfaite opacité, puisque la Maison Blanche refuse de préciser sur quels critères juridiques se fonde le recours aux drones. Et qu’elle continue de minimiser le nombre des victimes civiles. Ces frappes sont d’ailleurs parfaitement contre-productives. Selon les spécialistes, le nombre des combattants yéménites affiliés à Al-Qaïda serait, en quatre ans, passé de deux cents à plus de mille.

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Quoi qu’il en soit, le recours aux drones et aux commandos spéciaux témoigne de la militarisation croissante de la CIA. Tendance confirmée par le prédécesseur de Brennan, le général Petraeus, qui a porté la flotte de drones de la CIA de 35 à 45 appareils. Les États-Unis envisagent aujourd’hui de créer une base de drones en Afrique, probablement au Niger. Brennan choisira-t-il de poursuivre dans cette voie ou recentrera-t-il la centrale sur son coeur de métier, le renseignement, en déshérence depuis une dizaine d’années ? S’il est confirmé par le Sénat, il bénéficiera d’une nouvelle virginité politique. « John sait à quel point nous sommes un pays de droit », a déclaré sans rire Obama devant la presse. Il connaît aussi, mieux que personne, sa part d’ombre.

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