Ndiata Kalonji : business et maths
Après avoir travaillé pour de grandes entreprises, cet ingénieur congolais a lancé la sienne.
Avec ses longues tresses et ses envolées poétiques sur la lumière ou la stratosphère, on le prendrait de prime abord pour un artiste. Mais non. Ndiata Kalonji est un scientifique, un matheux, un chercheur. Et un chef d’entreprise… passionné
L’entreprise Saooti (« la voix », en swahili), dont il est le président et le cofondateur, conçoit et fournit des wikiradios (webradios participatives). Il a choisi ce nom en référence à ses origines congolaises : il est originaire de Lubumbashi, le chef-lieu de la province du Katanga, en 1966, dans une famille de treize enfants « de même père, même mère », insiste-t-il avec un large sourire.
La création de Saooti est l’aboutissement d’un long parcours. Tout est parti de la passion de Kalonji pour les matières scientifiques, née alors qu’il était lycéen. « Deux professeurs m’ont particulièrement marqué, raconte-t-il. L’enseignant d’histoire, qui m’a donné envie d’explorer le passé et le présent, et le prof de maths, qui m’offrait une matière me permettant de m’évader. » Ainsi, après avoir passé son examen d’État (nom du baccalauréat en RD Congo), option humanités scientifiques, il rejoint son grand frère installé à Saint-Brieuc, en Bretagne (France). Et entame un cycle d’études supérieures, d’abord à l’IUT de Lannion, où il obtient un DUT en mesures physiques et informatique, puis à l’École nationale supérieure des sciences appliquées et de technologie (Enssat) de la même ville, d’où il sort, en 1992, avec un diplôme d’ingénieur en optoélectronique. Puis ce sera un MBA en gestion et administration des entreprises décroché au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à Paris.
Parce qu’il veut découvrir le monde de l’entreprise, faire de la recherche et perfectionner son anglais, ce Breton d’adoption s’installe à Londres en 1993 pour un stage de un an à la General Electric Company, entreprise spécialisée dans l’électronique pour le grand public et l’armée. Il collabore alors à la conception d’un laser utilisé dans la défense aérienne. L’occasion pour le jeune homme de faire ses premiers pas dans la recherche appliquée, aussi importante à ses yeux que la fondamentale. « Je suis favorable aux deux disciplines, que je ne distingue pas. La recherche pure permet d’éclairer, la recherche appliquée d’améliorer les conditions de vie. » Une double approche qu’il mettra en pratique tout au long de sa vie professionnelle.
De retour en France, Kalonji intègre en 1998 le groupe France Télécom. Pendant les quatre premières années, il fait de la recherche fondamentale, intervenant sur le projet de conception d’un laser pour les télécoms. Puis il passe à la recherche appliquée, en rejoignant, en août 2002, France Télécom R & D (devenu Orange Labs en 2007), la division recherche et développement du groupe, à San Francisco (États-Unis). Un double défi. Primo, il ajoute une corde à son arc, en mettant en place et en animant une équipe d’une douzaine de personnes chargée de modéliser et de dessiner des architectures internet pour le groupe. Secundo, il expérimente un nouveau champ d’application de la recherche, celui de l’informatique et des télécommunications. Le tout dans un pays alors à la pointe des nouvelles technologies internet. Un must. « À partir de 1998, l’informatique et les télécommunications ont commencé à bouger avec la libéralisation du marché des télécommunications et la montée en puissance d’internet. Pour comprendre les modèles mathématiques, il fallait être aux États-Unis, qui avaient une longueur d’avance sur les autres pays. » Parallèlement, il anime des conférences dans les universités de Berkeley et de Stanford et entretient des relations avec des start-up afin de rester en contact avec un monde « en perpétuelle innovation ».
Pour Kalonji, la vie aux États-Unis est aussi l’occasion de se redécouvrir, de se dépasser et de s’ouvrir plus amplement aux autres. « Je suis parti là-bas avec ma famille. Nous avons dû apprendre à vivre ensemble dans un nouveau contexte. J’ai appris à développer le sens de l’écoute vis-à-vis de mes trois filles, pour comprendre comment elles s’adaptaient à leur nouvelle vie », assure-t-il.
De retour en France en 2007, il rejoint la division internet de France Télécom en tant que directeur. Il y restera un peu plus de un an, avant de voler de ses propres ailes. « J’étais devenu entrepreneur au sein d’une grande entreprise. J’avais appris à gérer une équipe, à défendre un budget et j’avais acquis une expérience à l’international. J’étais prêt à sauter le pas. » C’est ainsi que naît, en 2009, Saooti, qui emploie quelque 15 personnes à Lannion, Rennes et Paris. Et s’il choisit le créneau de la wikiradio, c’est parce que cet outil fait « bouger les lignes du monde médiatique » et parce qu’il est son « média préféré ».
Parmi ses clients, des grandes entreprises et des institutions dont le CNRS, l’université européenne de Bretagne, Renault-Nissan et Sanofi. Discrétion sur le montant de la levée de fonds – « plusieurs milliers de kiloeuros » – qui a permis de créer l’entreprise, comme sur le chiffre d’affaires. « On est en train de capter un marché, on ne veut donc pas communiquer. Le monde d’internet réagit très vite. » Confiance toutefois car « nous n’avons pas de concurrent sur la solution technique, qui est une offre unique ». À l’évidence, le marché est porteur. Y compris hors de France.
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