Gabon : face au cancer, le théâtre pour thérapie
L’Association pour le soutien et l’aide aux femmes atteintes du cancer (Asafac) met en scène la pièce « Huis clos avec les Phénix », jouée par des patientes qui tordent le cou aux idées préconçues et sensibilisent le public mieux que personne.
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Elles sont neuf sur scène. L’une s’entretient avec un ganga. La veille, le diagnostic du médecin est tombé, révélant un cancer qui, à ses yeux, ne peut être que la conséquence d’un mauvais sort jeté par un esprit maléfique. Une autre hurle sa détermination à ne plus approcher sa sœur malade, de peur d’être contaminée. Elle n’est pas loin de partager le point de vue de leur frère qui, lui, est formel : ce cancer, elle l’a bien cherché ; il est le fruit de sa vie dissolue…
Dans Huis clos avec les Phénix, pièce de théâtre créée sous la houlette de Rosina Koussou, médiatrice culturelle, par l’Association pour le soutien et l’aide aux femmes atteintes de cancer (Asafac) – toutes les actrices en sont membres –, les histoires s’entremêlent pour démystifier cette maladie encore taboue au Gabon. Patientes malades ou en période de rémission, proches ou simples bénévoles, les comédiennes, réunies depuis le début d’août pour une série de représentations en partenariat avec l’Institut français, ont toutes une histoire avec le cancer.
Signes d’alertes et gestes qui sauvent
À travers leur expérience, les actrices alertent sur les risques d’une prise en charge tardive, les patientes arrivant souvent à l’hôpital à un stade trop avancé de la maladie, après un parcours chaotique entre marabouts et autres pasteurs évangéliques. Elles sensibilisent le public à la stigmatisation des malades, bien réelle mais dont tout le monde parle sans que nul n’ose monter au créneau pour la dénoncer. Didactique, la pièce évoque les signes d’alerte qui devraient interpeller les femmes, les facteurs de risque et les gestes qui sauvent, telle l’autopalpation.
Sans vouloir dresser un réquisitoire contre le personnel de santé, le texte souligne aussi quelques-unes de leurs défaillances, les exhortant notamment à faire preuve de plus d’empathie à l’égard des malades. Une absence d’empathie qui pose, en creux, la question de la formation du personnel médical à la prise en charge de cette pathologie.
Pour Jeanne d’Arc Kong-Ndes, présidente de l’Asafac, qui a eu l’idée de créer la pièce en écoutant ces femmes lors de groupes de parole, c’est surtout une thérapie : « Être sur scène leur permet de s’extraire de la maladie, d’exprimer leurs émotions et d’éprouver leur mémoire quand celle-ci menace chaque jour de leur jouer des tours sous l’effet de la chimiothérapie. »
Désormais en rémission totale après un double cancer du sein qui l’a affectée entre 36 et 44 ans, Mathilde Biloghe Bi-Ndong dit trouver dans le théâtre la force de se confier sans fondre en larmes. « Il contribue à nous guérir psychologiquement. Mais la plus belle des récompenses, c’est de voir le public prendre conscience de la nécessité de se faire dépister au moindre signe d’alerte. Nous obtenons de meilleurs résultats qu’avec le porte-à-porte organisé lors de grandes campagnes de sensibilisation. »
Soutien financier des entreprises, mais pas de l’État
Nombre de médecins témoignent de la transformation de leurs patientes après leur adhésion à l’association. Les autorités gabonaises, elles aussi, ont conscience du rôle de l’Asafac. Le 6 octobre, le ministère de la Santé a ainsi salué la « la présence [de la structure] sur le terrain douze mois sur douze », contrairement à d’autres qui se contentent d’apparitions sporadiques. « Tout le monde apprécie nos efforts, reconnaît Jeanne d’Arc Kong-Ndes. Moi, j’apprécierais de recevoir un soutien financier de l’État. »
Depuis sa création il y a cinq ans, l’association fonctionne essentiellement grâce au seul soutien des entreprises. Elle ne reçoit pas de subventions de la part du gouvernement, le ministère de la Santé et celui des Affaires sociales n’ayant pas de ligne budgétaire prévue à cet effet. Jeanne d’Arc Kong-Ndes espère voir la donne évoluer, ce qui permettrait de mettre sur les rails son prochain chantier d’envergure : la construction d’une maison d’accueil comptant plusieurs chambres et salles de repos.
« Actuellement, les hôpitaux ne disposent pas d’espace où les patientes peuvent se réunir pour échanger entre elles, rencontrer un psychologue, lire, participer à des ateliers… » Pis : après leurs séances de chimiothérapie ou de radiothérapie, en l’absence de salle de repos et alors qu’elles viennent parfois de loin et vivent seules la plupart du temps, elles sont obligées de reprendre aussitôt le chemin du retour, en dépit des risques évidents que cela comporte. Outre ce projet, la fondatrice de l’Asafac aimerait aussi organiser des activités génératrices de revenus. Évoluant pour la plupart d’entre elles dans le secteur informel avant la découverte de leur pathologie, les patientes sont généralement en cessation d’activité.
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