Bénin : le drame au principal hôpital de Cotonou tourne au bras-de-fer politique
Après la mort de quatre personnes suite à une coupure d’électricité au CNHU Hubert K. Maga, l’opposition béninoise dénonce une situation « intolérable ». Face à la vague de protestations, le gouvernement a ouvert une enquête et promet de prendre « les mesures qui s’imposent ».
Cinq jours après les faits, l’émotion est encore vive. Tôt dans la matinée du 7 octobre, quatre patients du service de réanimation du Centre national hospitalier et universitaire (CNHU) Hubert Koutoukou Maga de Cotonou, ont trouvé la mort. Un drame provoqué, selon toute vraisemblance, par une coupure d’électricité qui a entraîné une tempête de réactions indignées sur les réseaux sociaux comme dans la presse.
La vague de protestations a été si forte et si soudaine que le gouvernement a réagi, dès le 9 octobre, en appelant « au calme et à la sérénité ». Le communiqué, signé de la main de Benjamin Hounkpatin, le ministre de la Santé, qui présente ses « condoléances » aux familles, constate une « situation grave » et a annoncé l’ouverture d’une enquête en vue de « situer les responsabilités et [de] prendre les mesures qui s’imposent ». Ce drame intervient « à un moment où le gouvernement a engagé d’importants efforts pour l’amélioration de la qualité des soins », a ajouté le ministre, précisant que le président Patrice Talon a « personnellement saisi l’Autorité de régulation du secteur de la santé [ARSS] à l’effet de la voir s’occuper du dossier ».
« Aucune légèreté ou faute professionnelle ne restera impunie », a pour sa part assuré Dieudonné Gnonlonfoun, directeur du CNHU. Ce dernier a été entendu ce lundi 10 dans l’après-midi par les hommes de la brigade criminelle dans le cadre de l’enquête diligentée par le procureur de la République.
Appels à la démission
Autant de mesures et d’annonces qui ne semblent cependant pas, pour l’heure, calmer la colère que beaucoup expriment sur les réseaux sociaux. « Monsieur le ministre de la Santé, veuillez démissionner », lance ainsi le père de l’une des victimes du drame – une femme d’une quarantaine d’années –, qui réclame également la démission du directeur de l’établissement. « Quatre décès, c’est trop après une coupure d’électricité. C’est une bavure ! » continue-t-il dans une vidéo largement relayée.
La polémique prend en outre un tour politique. « Qu’un tel drame nous frappe en plein cœur de notre hôpital de référence est profondément horrifiant, révoltant parce qu’intolérable, inacceptable », a regretté lundi Éric Houndété, président du parti d’opposition Les Démocrates (LD). Le drame « doit interpeller la conscience de chacun de nous, mais surtout la responsabilité de nos gouvernants qui, récemment encore devant le Medef, se flattaient d’une certaine prouesse “inégalable” dans la fourniture à moindre coût de l’énergie électrique ».
Dans un discours livré devant les représentants du patronat français, à Paris, le 30 août, lors des Rencontres des entrepreneurs de France (REF), le chef de l’État avait en effet notamment vanté le niveau des infrastructures de production électrique de son pays pour convaincre les investisseurs de miser sur le Bénin. « On peut vendre l’électricité moins cher qu’en Chine », s’était-il notamment félicité.
Premier test pour l’ARSS
Pour l’heure, si le président béninois n’a pas tenu de déclaration publique suite au drame, il a néanmoins confié ce dossier très sensible à l’ARSS, un organe créé par décret présidentiel en 2019, dont les neuf membres ont été installés le 13 septembre dernier pour un mandat de quatre ans.
La première mission de cette nouvelle autorité serait de « contrôler et sanctionner »
Patrice Talon avait alors exposé la feuille de route qu’il entend fixer à cette nouvelle instance présidée par Lucien Dossou-Gbété, par ailleurs PDG de la Clinique Louis Pasteur à Cotonou. « La régulation du secteur de la santé permettra à chaque Béninois d’espérer que désormais les choses se feront autrement dans notre pays et pour de bon », avait-il alors déclaré, assurant que leur mission première serait de « contrôler et sanctionner ». Le drame au CHNU sera le premier test pour ce nouvel organe de contrôle.
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