Mali : le jour d’après
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 14 février 2013 Lecture : 3 minutes.
The Day after, Le Jour d’après. Titres de deux films catastrophes américains sur fond de guerre nucléaire et de dérèglement climatique et, pour le Mali presque libéré, promesse fragile d’une seconde indépendance après avoir tutoyé le gouffre. Voir la majorité des Maliens s’afficher plus pro-Français (et singulièrement plus pro-Hollande) que les Français eux-mêmes, alors que leur pays, qui n’a jamais fréquenté le cloaque de la Françafrique, entretenait depuis Modibo Keita des rapports souvent crispés avec l’ancienne métropole, a quelque chose de sidérant. Moins sans doute si l’on mesure à quel point les Bamakois ont eu l’impression d’être passés à deux doigts de la dictature obscurantiste sous laquelle leurs compatriotes de Gao et de Tombouctou ont vécu pendant neuf mois. Mais tout de même : être libérés par la puissance qui vous a jadis colonisés, sans pour autant avoir le sentiment que votre propre fierté est bafouée, c’est inédit.
Maintenant que la France a repris pied, sans l’avoir voulu, au Mali, personne ne soutient, à commencer par François Hollande lui-même, qu’elle doive s’y éterniser au risque d’endosser les habits d’un occupant. Le tout est de savoir quand partir (« ni trop tôt ni trop tard », dit-on à l’Élysée, façon de reconnaître que cette ligne-là demeure encore floue) et surtout à qui passer le relais. Le naufrage politico-militaire malien de 2012 a aspiré au fond des abysses de l’impopularité la quasi-totalité de la classe politique, y compris l’actuel président par intérim et une bonne partie de l’armée, discréditée par la débâcle. Une chose paraît sûre, et nul ne s’en plaindra : le capitaine putschiste Sanogo et ses affidés du camp de Kati, auteurs peu glorieux d’un coup d’État défaitiste de sous-officiers qui ne voulaient plus faire la guerre, ne devraient pas y survivre politiquement. Mais qui pourrait jurer que, chez les quelques colonels dont l’engagement aux côtés des forces françaises a sauvé l’honneur de ce qui reste de l’armée malienne, toute tentation prétorienne est absente ?
"Le jour d’après" ne saurait être que celui d’une refondation de l’État malien, tant il est vrai que les raisons qui ont conduit à son effondrement sont bien antérieures à la chute de Kadhafi.
Cette perspective d’un retour au désordre ancien sur fond de revanche est évidemment à proscrire. « Le jour d’après » ne saurait être que celui d’une refondation de l’État malien, tant il est vrai que les raisons qui ont conduit à son effondrement et à la transformation de son espace septentrional en bac à sable pour jihadistes et trafiquants sont bien antérieures à la chute de Kadhafi, qui y faisait régner une paix malsaine et précaire à coup de pétrodinars. Un Mali fédéral, décentralisé et démocratique ne nécessite pas seulement des élections transparentes, qui ne seront qu’un cautère sur une jambe de bois si elles ne sont pas accompagnées de la prise de conscience que rien ne devra être comme avant. Cet indispensable travail d’introspection, jusqu’à la nécessaire remise en cause de ce que le chercheur Gilles Holder appelle, dans Le Monde, « le roman national de l’empire du Mali » (lequel n’a jamais été la référence culturelle du Nord), implique que la France assume jusqu’au bout les effets induits par son intervention, y compris en jouant le rôle de médiateur honnête et impartial. Le Mali est à reconstruire. Il ne faut pas l’abandonner au milieu du gué.
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