Opposition mauritanienne : Nana Mint Cheikhna, une femme en première ligne
À la tête de la Coordination des femmes de l’opposition démocratique, la députée est de celles qui mènent la fronde contre le recul de la représentation des Mauritaniennes en politique.
Mauritanie : sur un fil
Elle aime à dire que chacun décide de sa vie. Nana Mint Cheikhna, 58 ans, a fait son choix : la lutte politique plutôt que son « confort personnel. » Députée du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), le parti présidé par le chef de file de l’opposition, Ahmed Ould Daddah, elle est aussi de ces Mauritaniennes qui portent haut la cause féminine. À la tête de la Commission nationale des femmes du RFD, elle dirige également, depuis juillet 2012, la Coordination des femmes de l’opposition démocratique.
« Beaucoup s’étonnent que nous soyons très actives au sein du parti, assure-t-elle d’une voix forte et posée, drapée dans un voile de couleur vive. Nous bataillons à l’intérieur du RFD pour y favoriser l’avancement des femmes, mais aussi en tant que mouvement de masse pour la démocratie. » Lassées d’être cantonnées aux rôles de mobilisatrices avant les meetings ou les élections, les Mauritaniennes sont bien décidées à ne plus se laisser faire.
Progressiste
À défaut de la parité, elles réclament désormais un quota de 33 % de femmes sur les listes pour les élections législatives et municipales, au lieu de 20 % actuellement. Un chiffre qu’elles craignent de voir remis en question par la nouvelle liste nationale de 20 sièges réservés aux femmes pour les scrutins locaux, une mesure adoptée à la suite du Dialogue national conclu en octobre 2011. Mi-juillet, elles ont d’ailleurs transmis un nouveau plaidoyer au gouvernement. Mais il est pour l’heure resté sans réponse. « Avec cette nouvelle disposition, on fait marche arrière, et nous l’avons déclaré au Parlement, en vain, s’insurge-t-elle. Mais on ne nous fera pas taire. »
Chez Nana Mint Cheikhna, la politique, c’est de famille. Elle a quitté très jeune, avec les siens, sa ville natale d’Ayoun (Est) pour rejoindre son père, haut fonctionnaire à Nouakchott. « Progressiste, il avait des rêves pour la Mauritanie, se souvient-elle. Il nous parlait beaucoup de la nation et de son expérience personnelle pour l’indépendance du pays. » Inscrite à l’école, elle apprend à lire et à écrire, comme beaucoup de filles de sa génération, dont la scolarité était alors vivement encouragée par le premier président du pays, Moktar Ould Daddah (au pouvoir de 1961 à 1978). Après le lycée, elle part étudier au Maroc, pour suivre une maîtrise de droit public, puis au Sénégal, où elle décroche un DEA de droit public en gestion des collectivités locales.
20% de femmes
À la Banque centrale mauritanienne (où elle a fait toute sa carrière), elle est inspectrice des banques primaires, puis directrice adjointe du département de contrôle des changes, et enfin directrice du département juridique. En 1989, alors conseillère du gouverneur, elle intervient en tant que militante à la Ligue des droits de l’homme lors du bicentenaire de la Révolution française : son discours acerbe, dans lequel elle aborde la relation mauritano-sénégalaise, lui coûte son poste. « Je n’ai plus jamais eu ni bureau ni fonction », soupire-t-elle. Alors, en 1998, elle s’engage en politique et rejoint le RFD (ex-UFD).
Élue vice-présidente de la communauté urbaine de Nouakchott en 2001, elle devient aussi députée du RFD en 2006, année de l’instauration par l’ancien président de la transition Ely Ould Mohamed Vall du fameux quota de 20 % de femmes. Pour Nana Mint Cheikhna, la lutte pour les droits des Mauritaniennes est intrinsèquement liée à l’évolution du pays. « Nous voulons un pays dirigé par des hommes et des femmes choisis librement, lance-t-elle avec force. Nous ne participerons qu’à des élections préparées par une concertation réelle et sérieuse. »
Les partis interpellés
Le combat des Mauritaniennes ne faiblit pas. Depuis début janvier, le Groupe des initiatives de plaidoyer pour la participation politique des femmes fait circuler une pétition en vue des futures élections législatives et municipales. Non partisan, ce mouvement est composé de femmes politiques (majorité et opposition), d’élues (parlementaires, maires, conseillères municipales), de journalistes… Leur objectif : favoriser l’accès des Mauritaniennes aux sphères de décision, en politique ou dans l’administration. Leurs revendications sont claires. Elles réclament au moins 33 % des sièges à l’Assemblée nationale, 33 % au Sénat et 50 % au sein des conseils municipaux. Afin d’améliorer leurs chances d’être élues, les femmes proposent aux partis politiques toute une série de mesures. Elles leur suggèrent par exemple de présenter une femme en tête de la liste nationale mixte (20 sièges) ou de la liste de Nouakchott (18 sièges) lors des législatives. J.S.
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