Lance Armonstrong : c’était le parrain des pelotons
Vainqueur de sept Tours de France, le cycliste Lance Armstrong n’était qu’un tricheur qui achetait, menaçait ou brisait quiconque tentait de s’opposer à lui. Quel crédit accorder à ses aveux télévisés face à Oprah Winfrey ?
À un moment de la longue interview diffusée les 17 et 18 janvier sur Oprah Winfrey Network, Lance Armstrong a évoqué son fils de 13 ans, qui tentait naïvement de le défendre face aux accusations de dopage dont il était l’objet. Il s’est alors interrompu et, un instant, a paru au bord des larmes. Prenait-il enfin conscience de l’extrême perversité de son comportement pendant toutes ces années ? Ou n’était-ce qu’une comédie destinée à tromper, une fois de plus, l’opinion ?
Le parfait self-control dont l’ex-sportif préféré des Américains a fait preuve pendant tout le reste de l’entretien plaide plutôt pour la seconde hypothèse. Car si Armstrong a détaillé le cocktail qui lui a permis de remporter sept Tours de France d’affilée entre 1999 et 2005 (« EPO, testostérone, transfusions sanguines »), il s’est bien gardé de livrer les noms de ceux qui l’ont aidé à mettre sur pied « le programme de dopage le plus perfectionné, professionnel et efficace de toute l’histoire du sport », pour reprendre les termes du rapport de l’Agence américaine antidopage (Usada) publié le 10 octobre 2012.
Il fallait beaucoup de courage pour oser affronter cet homme froid, cynique, impitoyable.
Pour ses ex-complices, c’est un avertissement. Car Armstrong sait tout, bien sûr, du dopage dans le cyclisme, de ses acteurs, de ses combines, de la complaisance dont il a bénéficié de la part des différentes autorités. En échange d’éventuelles révélations, il semble espérer un adoucissement des sanctions qui le frappent. Il s’est en tout cas déclaré prêt à collaborer avec la Commission Vérité et Réconciliation, dont la mise en place a été proposée par Travis Tygart, le patron de l’Usada, afin d’inciter les coureurs à passer aux aveux en échange d’une relative clémence, voire d’une amnistie.
Complaisance
Pour l’instant, l’Union cycliste internationale (UCI) ne veut pas en entendre parler. Sans doute a-t-elle trop à y perdre. Elle n’a toujours pas expliqué de manière convaincante comment Armstrong a pu, une décennie durant, échapper à tous les contrôles antidopage. Faut-il croire l’Usada quand elle affirme qu’elle est allée jusqu’à informer le coureur du détail des procédures mises en place pour lui permettre d’y échapper ? Le don de 100 000 dollars (75 000 euros) de l’Américain (dont le patrimoine est estimé à près de 100 millions de dollars) a-t-il un rapport avec ce traitement de faveur ? Autre mystère, parmi beaucoup d’autres : comment, lors de son premier Tour de France victorieux, en 1999, Armstrong a-t-il réussi à justifier un contrôle positif aux corticoïdes avec une fausse ordonnance antidatée ?
Plus encore que l’ampleur du dopage pratiqué par l’Américain, c’est le système quasi mafieux mis en place par ses soins qui choque. Pour imposer la loi du silence, l’ex-parrain des pelotons ne reculait devant rien. Il fallait du courage, beaucoup de courage pour oser affronter cet homme froid, cynique, impitoyable. Betsy Andreu, l’épouse d’un ancien coéquipier qui avait affirmé l’avoir vu se rendre chez Michele Ferrari, le médecin italien mis en cause dans d’innombrables affaires de dopage, se vit ainsi menacée par téléphone d’être frappée avec une batte de baseball et traînée en justice. Aux coureurs qui osaient faire part de leurs doutes sur ses performances, Armstrong promettait de briser leur carrière. Menace d’ailleurs mise à exécution plusieurs fois, notamment contre le Français Christophe Bassons et l’Italien Filippo Simeoni. Et gare à celui de ses coéquipiers qui, après avoir accepté de se doper, aurait été tenté d’avouer sa faute !
Il y a encore quelques mois, alors qu’il se savait visé par une enquête de l’Usada, Armstrong avait tout fait pour découvrir l’identité des coureurs qui avaient accepté de témoigner contre lui, convaincu de pouvoir les intimider encore une fois. Les enquêteurs de l’Usada ont dû s’engager à préserver leur anonymat par tous les moyens, comme l’auraient fait des policiers avec des mafieux repentis. C’était le seul moyen de les convaincre de briser enfin l’omerta.
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