Espagne : le scandale de corruption qui déstabilise le gouvernement de Mariano Rajoy
Vingt années durant, le trésorier du Parti populaire a distribué des enveloppes à ses amis politiques. L’heure des comptes a sonné.
Une petite bombe vient d’exploser dans le paysage politique espagnol. Le 18 janvier, le quotidien El Mundo (centre droit) a révélé que les principaux dirigeants du Parti populaire (PP), au pouvoir, ont, vingt années durant, reçu chaque mois des mains de Luis Bárcenas, le trésorier du parti, des enveloppes contenant de l’argent liquide – entre 5 000 et 15 000 euros – destiné à compléter leurs salaires. En toute illégalité, puisque ces revenus n’étaient pas déclarés. L’origine de cet argent n’est pas encore très claire : commissions versées par des entreprises de construction et des compagnies d’assurances, donations anonymes, etc. À l’appui de ses affirmations, El Mundo cite « cinq sources solides appartenant aux directions successives du PP ». Quelques jours plus tard, Jorge Trías, un ancien député de la formation, a tout confirmé en bloc.
Mais l’histoire est plus complexe puisque Bárcenas est déjà visé par une enquête judiciaire dans le cadre de l’affaire Gürtel, un scandale de financement illégal du PP à Madrid, Valence et en Galice. En 2010, il avait même été contraint de démissionner de ses fonctions de trésorier, puis de sénateur. Deux jours avant les révélations d’El Mundo, la justice avait fait savoir que Bárcenas avait en 1990 – l’année où les versements clandestins ont commencé – ouvert un compte en Suisse sur lequel ont été déposées des sommes considérables – jusqu’à 22 millions d’euros – sans rapport avec le salaire du trésorier.
Pas un centime
Mariano Rajoy a diligenté deux enquêtes, l’une interne, l’autre externe, afin de passer au crible les comptes du parti. Selon El Mundo, le chef du gouvernement n’a, pour ce qui le concerne, jamais touché un centime. En 2009, il a même donné l’ordre de mettre un terme à ces pratiques. En dépit de leurs réactions « indignées », les responsables du PP étaient donc bien au courant. Bárcenas affirme d’ailleurs avoir depuis plus de vingt ans scrupuleusement tenu à jour la liste des bénéficiaires, avec le montant des sommes remises, et menace aujourd’hui de la publier. « Il cherche à se protéger pour éviter de finir en prison, explique l’analyste Juan Carlos Jiménez, de l’université San Pablo CEU, à Madrid. Selon toute apparence, il est l’informateur principal d’El Mundo. C’est une stratégie risquée. » En chute libre dans les sondages depuis la mise en oeuvre de sa politique d’austérité, Mariano Rajoy n’avait en tout cas nul besoin d’un tel scandale.
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