Israël : Netanyahou, retour sur une victoire à la Pyrrhus

Avec 31 sièges seulement, contre 42 dans l’Assemblée sortante, le Premier ministre sort affaibli des élections du 22 janvier, marquées par la percée inattendue du laïc Yaïr Lapid, dont le parti est arrivé en deuxième position.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. © AFP

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. © AFP

perez

Publié le 1 février 2013 Lecture : 5 minutes.

Le 22 janvier au soir, la déception se lisait sur le visage des militants du Likoud, réunis au Parc des expositions de Tel-Aviv pour célébrer une victoire que les médias israéliens annonçaient comme acquise depuis l’ouverture de la campagne électorale, il y a trois mois. Le parti au pouvoir et son allié ultranationaliste Israel Beitenou (« Israël, notre maison ») d’Avigdor Lieberman n’auront finalement obtenu que 31 sièges, contre 42 dans la précédente Assemblée.

En dépit de cette relative déconvenue, Benyamin Netanyahou est apparu sur scène aux côtés de son colistier russophone, dont l’avenir politique dépendra de l’issue prochaine de ses déboires judiciaires. En décembre 2012, Lieberman avait été poussé à la démission après son inculpation pour fraude et abus de confiance dans une affaire de nomination d’ambassadeur, entraînant la chute brutale de l’alliance Likoud-Beitenou dans les sondages. Plusieurs cadres du parti avaient alors suggéré une rupture avec Lieberman, considérant que celui-ci devenait un fardeau bien trop encombrant.

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Troisième mandat

Il n’empêche, même affaibli par son score électoral, Netanyahou s’apprête à entrer dans l’histoire politique d’Israël en honorant un troisième mandat comme chef du gouvernement. « Je suis fier d’être votre Premier ministre et je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de diriger l’État d’Israël », a-t-il déclaré devant ses supporteurs. Conscient que sa victoire étriquée limite sa marge de manoeuvre, le chef du Likoud souhaite désormais former la « coalition le plus large possible ». Pour y parvenir, il a posé quelques principes supposés fédérateurs en guise de plateforme politique : empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, lutter contre la vie chère en facilitant notamment l’accès au logement pour les Israéliens, ou encore imposer le service militaire à tous les citoyens.

Sur ce dernier thème, Netanyahou devrait trouver un allié solide en la personne de Yaïr Lapid, partisan de la conscription des jeunes ultraorthodoxes. Le leader du parti Yesh Atid (« Il y a un futur »), laïc invétéré, a déjoué tous les pronostics en raflant 19sièges à la Knesset, faisant de son parti la deuxième force politique du pays. Présenté comme le vrai vainqueur des élections, l’ex-journaliste est désormais un acteur incontournable du paysage politique israélien. « Ceux qui ont voté pour Yesh Atid ont voté au nom de la normalité. Aujourd’hui, les gens ont choisi de dire non à la politique de la haine et de la peur, ils ont dit non à l’extrémisme. Je ne l’oublierai pas », a affirmé Lapid, qui n’entend pas faire de la figuration.

Exit le shass ?

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Selon des proches de Netanyahou, il aurait déjà conditionné son entrée dans le prochain gouvernement à l’éviction des « hommes en noir » du Shass (11 députés), le parti séfarade, auquel appartient le très contesté rabbin Ovadia Yossef, connu pour servir parfois de conseiller spirituel à l’actuel Premier ministre. Impensable il y a quatre ans, cette hypothèse ne déplairait pas aux jeunes cadres du Likoud, lassés de voir le Shass siéger au gouvernement dans un seul but : veiller au financement de ses écoles talmudiques.

Netanyahou devrait trouver un allié solide en la personne de Yaïr Lapid.

Mais Lapid est aussi l’objet de toutes les convoitises. Le Parti travailliste voit en lui l’ultime moyen de faire barrage à la droite. « Je le félicite de son résultat et l’appelle à ne pas rejoindre Netanyahou. S’il participe à une coalition alternative, je lui apporterai tout mon soutien », s’est empressée de dire Shelly Yachimovich, échaudée par le score du parti qu’elle dirige depuis 2011 – seulement 15 sièges – et dont la presse avait annoncé le retour au premier plan depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin. « Il n’y aura pas de bloc d’opposition », a répondu laconiquement l’intéressé, mettant fin à l’espoir de voir se former une force de centre gauche, qui n’a que deux sièges de retard sur le bloc de droite. Si cette posture enterre les dernières illusions du Parti travailliste, qui aura désormais bien du mal à peser dans le jeu politique, elle pourrait profiter à l’ex-chef de l’opposition Tzipi Livni – 6 sièges avec le parti centriste Hatnouah (« Le mouvement ») -, qui pourrait finalement se résoudre à combattre Netanyahou de l’intérieur.

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Alliés fiables

Le Premier ministre dispose quand même d’alliés plus fiables, à l’instar de La Maison juive de Naftali Bennett. L’étoile montante de la mouvance sioniste religieuse, qui décroche 12 sièges dans le futur Parlement, s’impose comme un partenaire naturel du Likoud. Partisan de la colonisation, et même de l’annexion de 60 % de la Cisjordanie – actuellement sous contrôle israélien – pour résoudre la question palestinienne, Bennett a toujours fait voeu d’allégeance à Netanyahou. « Depuis l’époque de Ben Gourion jusqu’à aujourd’hui, nous avons toujours été les partenaires du gouvernement », a rappelé le leader de La Maison juive.

Une perspective bien peu réjouissante pour les Palestiniens, dont le sort a largement été occulté pendant la campagne électorale. « Je ne m’attends pas à l’émergence ou à la résurgence d’une coalition de paix ou d’un camp de la paix », a regretté Hanane Achraoui, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Deux trouble-fêtes

L’un est laïc, l’autre religieux. Yaïr Lapid, 49 ans, et Naftali Bennett, 40 ans, sont les nouvelles figures politiques de la classe politique israélienne. Bien qu’ils incarnent deux visions très différentes de la société, ils pourraient siéger ensemble au sein du gouvernement de Benyamin Netanyahou. Leur montée en puissance a été confirmée par les résultats des élections législatives. Jusqu’à la dernière minute, les sondages plaçaient le parti de Naftali Bennett devant celui de Yaïr Lapid mais, contre toute attente, c’est le scénario inverse qui s’est produit. Fondateur de Yesh Atid en avril 2012, l’ex-présentateur de la télévision s’est rapidement imposé comme une alternative crédible aux yeux de l’opinion, en particulier auprès des classes moyennes, sensibles à sa volonté de changement et de justice sociale. Charismatique et charmeur, Yaïr Lapid est parvenu à convaincre un grand nombre d’indécis, dont beaucoup se revendiquent de l’électorat traditionnel du Likoud. Reste que, pour les éditorialistes israéliens, il n’est pas acquis que la percée de Yesh Atid s’inscrive dans la durée, faute d’une assise idéologique forte et du manque total d’expérience politique de ses membres.

Tout l’inverse de La Maison juive, à droite du Likoud et possible alternative pour d’éventuels « déçus » de la politique de Netanyahou. Trois mois après en avoir pris les commandes, Naftali Bennett a donné à cette formation nationale religieuse, habituellement associée aux colons, une dimension inespérée. Certes, son franc-parler est un atout, mais l’ex-conseiller de Netanyahou incarne aussi de nombreuses facettes appréciées par la société israélienne, comme son parcours d’officier dans l’armée, ou encore sa réussite dans le domaine du high-tech. À l’inverse de ses prédécesseurs, ce fils d’immigrants américains aura séduit par sa politique d’ouverture en direction des laïcs, inédite pour un parti religieux. M.P.

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