Algérie : Abdelmadjid Tebboune relance le projet d’impôt sur la fortune

Souvent évoquée mais jamais véritablement mise en place, l’idée d’un impôt spécifique sur les plus hauts patrimoines a resurgi en Algérie à la faveur du Hirak. Le président parle même d’une taxation dès 2023.

Le siège du ministère algérien des Finances.

Publié le 14 octobre 2022 Lecture : 3 minutes.

C’est un dossier déjà évoqué, et maintes fois abandonné, que vient de déterrer le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Dès l’année prochaine, il entend accélérer la mise en place d’un véritable impôt sur la fortune (ISF) et en améliorer la collecte, a-t-il annoncé, le 9 octobre, lors d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres consacrée à l’examen du projet de la loi de finances 2023.

L’idée de taxer spécifiquement les citoyens les plus riches vise, pour partie au moins, à répondre à certaines des revendications exprimées par les manifestants du Hirak. C’est également un projet porté depuis longtemps puisque, dès 1986, les autorités algériennes avaient évoqué l’idée d’un impôt sur les constructions somptueuses à usage d’habitation individuelle, qui n’a finalement jamais été mise en œuvre. Il a fallu attendre 1993 pour qu’apparaisse un premier « impôt sur le patrimoine ».

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Quant à l’ISF proprement dit, il figurait dans le projet de loi de finances de 2018, mais avait alors été rejeté par l’Assemblée nationale au motif qu’il risquait de « provoquer une fuite des capitaux vers le circuit informel et l’étranger ». L’idée a toutefois été conservée et est réapparue dans la loi de finances de 2021, puis de nouveau en 2022. Son application reste toutefois relativement hétérogène, différant d’une wilaya à l’autre. Sans donner de résultats probants en raison, explique à Jeune Afrique Boubakeur Salami, expert en fiscalité, des « difficultés qu’ont rencontrées les services du fisc à récolter l’information ». « Ce n’était pas du temps perdu, relativise-t-il, on a pu quand même affiner la liste des plus fortunés et leurs avoirs. Il s’agit de rééquilibrer le système fiscal, de réduire les inégalités et de dégager davantage de ressources pour que l’action publique réponde aux urgences sociales et sanitaires », tempère un cadre de la direction générale des impôts.

Digitalisation annoncée des services du fisc

Soucieux de garantir une meilleure équité fiscale, mais aussi de renflouer les caisses de l’État et d’assurer le maintien du niveau des prestations sociales, le président Tebboune entend donc procéder à de nombreux changements censés apporter une meilleure efficacité. C’est dans cet esprit qu’il vient d’ordonner la digitalisation des services du fisc à l’échéance 2023. Dans la même logique, il a annoncé le lancement d’un plan national pour l’enregistrement de toutes les transactions commerciales sur un réseau électronique d’informations et de données relié à l’administration fiscale.

« Il faut aussi numériser d’autres secteurs et mettre à contribution les notaires, les banques, les domaines et les services qui délivrent les cartes grises. L’administration fiscale doit être reliée à tous ses réseaux d’informations », recommande Boubakeur Salami. Qui précise : « Si on revoit le seuil d’imposition, si on met en place les mécanismes d’application appropriés et si on donne les moyens matériels [transport, revalorisation des salaires] aux agents du fisc de travailler, qu’on les protège des agressions, je pense que la collecte de cet impôt va générer beaucoup d’argent et aura un impact politique non négligeable. Car c’est en réalité une sorte d’impôt de solidarité entre les fortunés et les pauvres. »

Le barème d’application de l’impôt sur la fortune pourrait en effet, aussi, être revu. Le seuil à partir duquel les contribuables y sont soumis est actuellement fixé à 100 millions de dinars (731 390 euros), mais pourrait évoluer à la faveur de la nouvelle loi de finances. Il est prévu d’intégrer dans le calcul du patrimoine les biens immobiliers, les véhicules automobiles particuliers d’une cylindrée supérieure à 2 000 cm3 (essence) et 2 200 cm3 (gasoil), les motocyclettes d’une cylindrée supérieure à 250 cm3, les bateaux de plaisance, avions privés, chevaux de course et objets d’art. Ne seraient, en revanche, toujours pas soumis à déclaration et donc non imposables les meubles, bijoux et pierres, or et métaux précieux, ainsi que les créances, dépôts et cautionnements, les contrats d’assurance en cas de décès, les rentes viagères, ainsi que la résidence principale.

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Pour l’heure, ces annonces n’ont pas provoqué de critiques ouvertes. Une source au sein de la Confédération algérienne du patronat (CAP, ex-FCE) estime toutefois que « cette imposition est à contre-courant de la stratégie mise en place par les pouvoirs publics depuis quelques années, à savoir la transparence dans les transactions commerciales, la bancarisation de l’argent qui circule dans l’informel. Elle est aussi contre-productive parce qu’elle vise une niche qui est déjà fiscalisée alors qu’on doit concentrer les efforts sur le secteur informel ». Les débats ne font sans doute que commencer.

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