Droits des homosexuels : on ne badine pas avec… le mariage
Promesse du candidat François Hollande, le projet de loi autorisant les homosexuels à convoler devrait être sans coup férir adopté par le Parlement. Il n’en suscite pas moins des controverses passionnées. Le président socialiste a par ailleurs accepté de recevoir à l’Élysée, vendredi 25 janvier, les porte-étendards de l’opposition au mariage pour tous.
C’était une promesse électorale phare de François Hollande. C’est devenu une cocotte-minute dont les sifflements se font de plus en plus stridents. La légalisation du mariage et de l’adoption pour les homosexuels divise la France en deux. Selon un sondage CSA/RTL des 8-9 janvier, 52 % des Français y sont favorables et 43 % opposés.
Dans les médias ou les partis politiques, au Parlement comme dans les foyers, « pro » et « anti » s’opposent, parfois raisonnablement, parfois beaucoup moins. « Si le tabou immémorial du mariage homosexuel vient à sauter, estime par exemple François Lebel, maire UMP (Union pour un mouvement populaire) du 8e arrondissement de Paris, comment s’opposer demain à la polygamie, principe qui n’est tabou que dans la civilisation occidentale ? Pourquoi l’âge légal des mariés serait-il maintenu ? Et pourquoi interdire plus avant les mariages consanguins, la pédophilie ou l’inceste, qui sont encore monnaie courante dans le monde ? »
La bataille a lieu aussi dans la rue. Le 16 décembre, une « manifestation pour l’égalité » a rassemblé entre 60 000 et 150 000 personnes. Le 13 janvier, les opposants au « mariage pour tous » ont mobilisé entre 340 000 et 800 000 manifestants. Des deux côtés, les slogans-chocs ont fleuri : « Liz Taylor a eu sept maris, moi j’en veux juste un », d’un côté. « Un père, une mère, c’est élémentaire », de l’autre.
Depuis 1999, les couples homosexuels français peuvent officialiser leur union grâce au pacte civil de solidarité (pacs), mais ne peuvent se marier civilement. Le projet de loi préparé par Christiane Taubira, la ministre de la Justice, et Dominique Bertinotti, sa collègue de la Famille, leur ouvre ce droit. Il prévoit notamment d’insérer dans le code civil un article supplémentaire (le 143) : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe… » Du coup, les termes « femme », « homme », « père » et « mère » disparaissent parfois au profit d’« époux » et « parents ». Le texte autorise également les couples homosexuels mariés à adopter des enfants. Le volet sur la procréation médicalement assistée (PMA), qui y figurait au départ, a en revanche été supprimé en raison des fortes réticences qu’il a suscitées, y compris au Parti socialiste.
Différents
Diverses personnalités ont pris position dans le débat. C’est le cas de l’ancien footballeur Lilian Thuram, qui préside aujourd’hui la Fondation Lilian Thuram-Éducation contre le racisme. « Je suis français, antillais et issu d’une société dans laquelle, pendant très longtemps, on a refusé des droits à certaines personnes parce qu’elles étaient différentes, de couleur noire, dit-il. Comment pourrais-je accepter que l’on refuse aujourd’hui des droits à des personnes parce qu’elles sont différentes, qu’elles ont une autre sexualité ? »
Militante associative et éditorialiste, Rokhaya Diallo place elle aussi la question du mariage homosexuel sur le même plan que la lutte contre les discriminations raciales et sexistes. « Je considère que la sexualité des homosexuels n’est pas inférieure à celle des hétérosexuels. Et qu’il n’y a donc aucune raison que le droit instaure une hiérarchie en permettant à certains de se marier et à d’autres non », explique-t-elle.
Révolution
Face à ce qui s’annonce comme une véritable révolution sociétale, un front du refus s’est constitué. Il rassemble surtout des sympathisants et militants de droite, des croyants de toutes obédiences (chrétienne, musulmane, juive), des élus de communes rurales… Pour eux, le projet est une attaque frontale contre le modèle traditionnel de la famille, constitué d’un père et d’une mère. Ils insistent sur le rôle fondamental de la différenciation des sexes dans la « bonne » éducation des enfants.
Juriste spécialisée dans le droit de la famille et coauteure d’un ouvrage intitulé Mariage des personnes de même sexe : la controverse juridique, Aude Mirkovic va plus loin. « Le projet est avant tout fait pour permettre l’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe », explique-t-elle. Elle craint une multiplication des enfants « adoptables » créés par insémination artificielle ou recours à des mères porteuses, et donc « délibérément privés d’une partie de leur filiation biologique ».
Forts du succès de leur manifestation, les partisans du non, parmi lesquels divers ténors de l’UMP comme Henri Guaino, demandent l’organisation d’un référendum sur la question. Totalement exclu, leur a répondu François Hollande, quelques jours plus tard. « C’est un engagement que j’ai pris devant les Français, il doit, comme les autres, être respecté. » C’est désormais « au Parlement d’intervenir ».
À partir du 29 janvier et pendant au moins deux semaines, les députés débattront du projet en séance publique. Le vote solennel est prévu pour le 12 février. Même si son adoption est plus que probable compte tenu de la majorité confortable dont dispose le PS, la bataille promet d’être rude. Un avant-goût en a été donné au sein de la commission des lois, où plus de 500 amendements ont été déposés par l’UMP. En cas d’adoption, le principal parti d’opposition a d’ores et déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel.
Où le mariage gay est-il autorisé?
Danemark (1989), Pays-Bas (2001), Belgique (2003), Canada et Espagne (2005), Afrique du Sud (2006), Suède et Norvège (2009), Portugal, Islande et Argentine (2010)
Il l’est également dans neuf États américains (Massachusetts, Connecticut, Iowa, Vermont, New Hampshire, New York, Maine, Hawaii, Washington, Washington DC et Maryland), ainsi qu’à Mexico, la capitale du Mexique.
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