Israël : pas très casher

À l’heure ou le statut des juifs orthodoxes fait débat en Israël, bon nombre de citoyens manifestent peu d’empressement à suivre les commandements divins.

Chambre froide au Kibboutz de Mizra, l’un des 26 élevages de porc du pays. © Sipa

Chambre froide au Kibboutz de Mizra, l’un des 26 élevages de porc du pays. © Sipa

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 31 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

Deux cent quarante-huit « tu feras », trois cent soixante-cinq « tu ne feras pas » : bien sage le croyant qui saura respecter chacun des six cent treize mitzvot, ou commandements, de la tradition juive. Certains sont bien connus, « ne pas manger d’animaux non casher », d’autres plus obscurs, « le maître ne peut vendre sa servante », et beaucoup semblent assez archaïques, comme la prescription de « briser la nuque d’une génisse dans la rivière d’une vallée suite à un meurtre non résolu ». En Israël, où la stricte orthodoxie séduit un nombre croissant de la population, les mitzvot ordonnent la vie des rigoristes haredim (les « craignant-Dieu »), de l’intimité familiale jusqu’au scandale diplomatique, quand le ministre de la Santé, Yaakov Litzman, refusa, en mai 2012, de serrer la main de son homologue belge : c’est une femme et la loi divine lui interdit de la toucher…

Mais les zélateurs de Yahvé ne sont pas les seuls à fouler la Terre promise et bien des entorses aux mitzvot s’y produisent à chaque instant. On croirait ainsi l’État juif exempt de toute présence porcine, le suidé étant aussi insupportable aux disciples de Moïse qu’à ceux de Mohammed. Que nenni ! Une loi de 1962 l’avait bien banni du territoire, mais une faille légale a permis la poursuite de son élevage dans le nord peuplé de chrétiens. L’industrie a prospéré et la chaîne de supermarchés Tiv Ta’am vend à nombre de clients juifs les côtelettes et le lard produits dans vingt-six exploitations, dont le kibboutz de Mizra. Premiers amateurs, les Juifs de Russie, venus par dizaines de milliers dans les années 1990 et qui ont conservé les traditions culinaires peu casher de leur terre d’origine, le cochon mais aussi le caviar, également prohibé.

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Conversions

Et Tiv Ta’am pousse la transgression jusqu’à proposer ses viandes impies le jour du sabbat où, par décret divin, toute activité est proscrite. Malgré les recours répétés en justice et les tournées policières pour amender les contrevenants, de nombreux épiciers persistent à ouvrir durant ce jour sacré dans les villes les plus laïques du pays. Car si Jérusalem la conservatrice semble le samedi goûter un repos immobile, Tel-Aviv la libertaire trépide. En février 2012, sa municipalité s’est attiré les foudres des religieux quand elle a formulé le projet de faire rouler des bus municipaux le jour du sabbat : Israël « est un État juif, ce qui implique que les transports en commun ne fonctionnent pas à sabbat », a fulminé le grand rabbin de la ville. On n’oserait dénombrer les atteintes aux mitzvot perpétrées dans cette Mecque méditerranéenne de la fête, sacrée meilleure destination gay en 2011.

Quatre cents à cinq cents Juifs se convertiraient chaque année, pour la plupart vers le christianisme.

Des déviances qui suscitent moins l’ire des orthodoxes que celles qui s’attaquent au fondement même de l’alliance entre Yahvé et son peuple et menacent sa perpétuation. En juin 2012, le quotidien Haaretz publie une longue enquête sur les parents qui, en nombre croissant, refusent la circoncision de leurs fils. Non croyants, répugnant à imposer ce qu’ils considèrent comme un acte de défiguration corporelle ou refusant d’infliger cette souffrance aux nouveau-nés, ils s’abstiennent de pratiquer ce que le ministère de la Santé précise considérer « non comme une intervention chirurgicale mais comme un acte religieux en Israël ».

Plus problématique encore pour l’avenir de la judaïté en Israël, des bataillons de missionnaires chrétiens et musulmans mènent en Terre sainte des offensives prosélytes tout à fait légales. Selon le ministère de la Justice, quatre cents à cinq cents Juifs se convertiraient chaque année, pour la plupart vers le christianisme. Une apostasie dont certains font un geste politique, à l’image du Dr Uri Davis, fondateur du Mouvement contre l’apartheid israélien en Palestine, qui, en désaccord profond avec la politique de l’État hébreu, a embrassé l’islam avant d’épouser une militante du Fatah palestinien : l’itinéraire d’un traître pour la droite israélienne… 

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