RDC : gare au crime de « lèse-Tshisekedi »
L’infraction de « lèse-majesté » paraît anachronique. La plus haute juridiction congolaise milite pourtant pour un durcissement de la peine d’outrage au chef de l’État.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 octobre 2022 Lecture : 2 minutes.
Survivance des périodes de pouvoir absolutiste où le dirigeant suprême flirtait avec le statut de divinité et se devait donc d’être intouchable, l’infraction d’offense au chef de l’État est une épée de Damoclès bien dissuasive au-dessus de la tête des opposants. Et elle menace tout autant les journalistes que les politiciens critiques, la notion « d’offense » étant floue et les procédures bien plus expéditives que dans les attaques pour diffamation. Ni la plainte, ni même l’aval du président de la République ou de son équivalent ne sont généralement requis pour des poursuites. Du Gabon au Mali, en passant par le Cameroun et le Zimbabwe, cet article sur mesure de la loi a séduit bien des dirigeants…
Une infraction désuète
À l’heure d’une démocratie qui se veut « moderne » et qui tend à normaliser, voire à banaliser, les responsables politiques – quand bien même un minimum d’immunité dans l’exercice de leurs fonctions leur est communément octroyée – l’offense au chef de l’État devrait paraître désuète. Mais ce n’est pas l’avis du procureur général près la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire de République démocratique du Congo (RDC).
C’est à l’occasion de la rentrée judiciaire que Firmin Mvonde s’est saisi de cette notion, noyant toutefois le poisson au milieu des infractions d’incitation à la haine tribale et de propagation de rumeurs infamantes. Jugeant « dérisoire » la peine de trois mois à deux ans de prison applicable en matière d’offense au chef de l’État, le procureur a publiquement souhaité que celle-ci soit « revue dans le cadre législatif ». Et de faire un clin d’œil appuyé aux parlementaires invités à « faire leur travail »…
L’appel au durcissement de la loi de 1963 inquiète les organisations de la société civile et l’opposition qui évoquent en chœur, depuis le début du mandat de Félix Tshisekedi, une répression judiciaire contre les voix dissidentes. L’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj) considère, par exemple, que l’infraction d’offense au chef de l’État « n’a plus d’opportunité dans la société aujourd’hui ».
Certains régimes africains, ancestraux ou frais émoulus, n’hésitent plus à activer ce levier d’un autre âge. Une infraction qui survit également dans d’autres États aux présidents démocratiquement élus… Au début de son mandat, Félix Tshisekedi s’était pourtant déclaré opposé au concept d’offense au chef de l’État.
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