Il faut réformer l’Union africaine !

Ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio est président de l’Institut panafricain de stratégies.

Publié le 24 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

L’arrivée de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA) traduit-elle une volonté de la première puissance du continent d’accepter enfin d’exercer son leadership en Afrique ? Si c’était le cas, ce serait une bonne nouvelle ! En effet, l’Afrique du Sud, alliée dans le cadre des Brics à quatre mastodontes, dont trois sont des États fédéraux (Inde, Brésil et Russie), a bien compris que le XXIe siècle appartenait aux global players, aux grands ensembles candidats au statut de puissance mondiale. Elle a aussi saisi l’importance de ce que Cheikh Anta Diop avait commencé à prêcher dans les années 1950 : que l’urgence est « de faire basculer l’Afrique, une bonne fois pour toutes, sur la pente de son destin fédéral » !

Parce qu’elle a connu l’apartheid et les années d’exil, puis les lourdes responsabilités de ministre de la Santé dans un pays ravagé par le sida, avant de devenir la première femme à occuper, en Afrique du Sud, les fonctions de ministre des Affaires étrangères puis de l’Intérieur, Nkosazana Dlamini-Zuma a un caractère bien trempé. Elle saura relever les défis qui assaillent le continent. Sa tâche toutefois sera difficile, tant la présidence de la Commission de l’UA rappelle ce champion de lutte que l’on a préparé à un combat historique, mais à qui on a pris soin, avant de le lâcher dans l’arène, d’attacher les mains dans le dos tout en lui disant bonne chance. J’ai, dans le passé, été témoin des immenses frustrations ressenties par mes aînés et amis Amara Essy, Alpha Oumar Konaré et Jean Ping. Tous ont incarné jusqu’à la caricature ce lutteur aux poings liés.

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En vérité, ce poste a été conçu dans un format qui mène fatalement à la paralysie. Comment peut-on avoir 54 patrons, 54 chefs d’État qui peuvent, individuellement ou collectivement, vous convoquer, vous sermonner et vous réprimander ? Comment diriger un vice-président et des commissaires qui tirent tous leur légitimité d’une élection avalisée par les chefs d’État ?

Lourd boulet que celui que Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission, a reçu en héritage.

La présidence Zuma doit malgré tout signer une rupture profonde, qui commencera forcément par la réforme de la Commission, par la modification du mode de recrutement de ses membres, des critères de performance opposables aux commissaires et aux autres employés, et par le droit à se séparer d’un collaborateur incapable de remplir ses tâches.

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Alors que 30 000 fonctionnaires sont employés par l’Union européenne, 700 personnes seulement, aux compétences parfois inégales, gèrent les problèmes d’un continent qui occupe plus de 70 % de l’agenda du Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. C’est un problème.

L’autre handicap majeur, c’est cette attitude qui consiste à dire qu’il faut « des solutions africaines aux problèmes africains ». Soit. Mais pourquoi se précipiter ensuite à Bruxelles pour financer « la solution africaine au problème africain » qu’est la nécessaire libération du Mali ?

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Nkosazana Dlamini-Zuma devra refuser de se transformer en sapeur-pompier continental, tentant d’éteindre un incendie après l’autre, courant de conflit en conflit. Pourtant de graves problèmes l’attendent : le Mali, aux prises avec le terrorisme ; l’éléphant RD Congo, toujours debout et renaissant mais continuellement blessé depuis 1960 ; le Soudan démantelé en deux États, tels des frères siamois que les chirurgiens peineraient à séparer ; la Somalie, en refondation mais toujours menacée par l’hydre terroriste ; la Côte d’Ivoire, où la réconciliation est difficile mais indispensable ; la chaise injustement vide du Maroc… Voici le boulet lourd que Mme Zuma a reçu en héritage.

L’ayant « pratiquée » pendant près de dix ans, j’ai espoir – mieux : j’ai confiance – en sa capacité d’innovation et de rupture. L’UA connaîtra de profondes transformations sous sa présidence. Et puisque l’adage dit qu’un problème bien posé est à moitié résolu, elle a eu raison de placer « son » premier sommet sous le signe du « pan­africanisme et [de la] renaissance africaine ». Le problème de l’Afrique est de s’unir ou de périr, et c’est là un clin d’oeil historique à Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Nyerere, Mohammed V et tous les autres… Le destin fédéral de l’Afrique que l’on croyait enterré est en train de renaître. Pour le plus grand bonheur des Africains.

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