Burkina Faso : la mission (presque) impossible du capitaine Traoré
Auteur du deuxième putsch qu’a connu le pays en l’espace de huit mois, il se rêve en nouveau Sankara. Peut-il faire mieux que son prédécesseur dans un pays gangrené par l’insécurité ?
Tout un symbole. Ce 15 octobre, Ibrahim Traoré vient rendre hommage à Thomas Sankara, à quelques dizaines de mètres du lieu où l’ancien chef de l’État a été assassiné, trente-cinq ans plus tôt. D’un pas lent, le jeune capitaine se dirige vers la statue de son illustre aîné, une gerbe de fleurs à la main. Puis les organisateurs de la cérémonie lui transmettent « le flambeau de la révolution », lui enjoignant solennellement de perpétuer les valeurs sankaristes. Et pour cause : la veille, Traoré a été officiellement désigné président de la transition jusqu’en juillet 2024 par des « assises nationales des forces vives », devenant, au passage, le plus jeune chef d’État du monde en exercice.
Depuis qu’il a renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le 30 septembre, nombre de Burkinabè voient en celui qu’ils ont surnommé « IB » un nouveau Sankara. Les deux hommes présentent, il est vrai, quelques similitudes. Même grade, même béret rouge, même âge lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir (34 ans), même parcours : tous deux ont réussi un putsch huit mois après que leur pays a connu un premier coup d’État. Voilà pour la forme.
Sur le fond, la comparaison paraît plus hasardeuse. L’époque a changé, et les deux capitaines ne s’inscrivent pas dans la même veine. « Sankara n’était pas qu’un militaire. C’était un vrai leader politique, qui avait une idéologie et une vision précise de la société qu’il voulait mettre en place. Il ne semble pas que ce soit le cas de Traoré », estime une figure de la société civile.
« IB ou rien »
Le nouveau venu, lui, n’hésite pas à entretenir le mythe d’une filiation. Avec un certain succès : en deux semaines, il s’est taillé une image d’homme providentiel aux yeux des milliers de jeunes de moins de 30 ans. Majoritaires dans le pays, ils ont été biberonnés à l’idéal sankariste et écœurés par une classe politique qu’ils exècrent. Comme ils l’ont scandé partout avant les assises nationales, pour eux, c’est « IB ou rien ».
Avant d’enfiler ce treillis de héros de la nation, Ibrahim Traoré a connu un parcours plutôt atypique. Contrairement à la plupart des officiers burkinabè, il n’a pas fréquenté le Prytanée militaire de Kadiogo. Il a étudié à l’école publique dans sa commune de Bondokuy (province du Mouhoun), puis au lycée, à Bobo-Dioulasso. L’un de ses anciens professeurs garde le souvenir d’un « élève brillant ».
En 2007, le baccalauréat en poche, il s’inscrit en licence de géologie à l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou. Il sort major de sa promotion. Au lieu de poursuivre son cursus universitaire, il change de destinée : en 2010, l’étudiant consciencieux franchit les portes de l’Académie militaire Georges-Namoano, à Pô, qui forme l’élite de l’armée.
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