Football européen : racisme et « cris de singe »
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 23 janvier 2013 Lecture : 2 minutes.
Une rencontre de football est, a priori, un moment de détente, de convivialité et de tolérance pour tous ceux qui aiment ce sport. Ceux qui se retrouvent dans un stade ont le droit de crier, de chanter, de chambrer l’adversaire… Rien à dire, c’est de bonne guerre. Mais peut-on, comme cela se produit de plus en plus souvent dans les stades européens, lancer ce qu’on appelle, je ne sais trop pourquoi, des « cris de singe » lorsque tout joueur qui n’est pas un visage pâle touche le ballon ? C’est ce qui est arrivé, le 3 janvier, au singe Kevin Prince Boateng, fils d’un singe ghanéen et d’une guenon germanique (permettez, madame !), milieu de terrain de l’AC Milan, en Italie, lors d’un match « amical » contre une équipe de quatrième division.
Chaque fois que ce pauvre Boateng touchait le ballon, un groupe de supporteurs de l’équipe visitée poussait des « cris de singe ». Ses coéquipiers singes M’Baye Niang, Sulley Muntari et Urby Emanuelson ont subi le même traitement. Jusqu’à ce que, dépités, ils décident tous de quitter le terrain. Le 12 octobre 2012, un autre singe, Patrick Mtiliga, danois d’origine tanzanienne, était traité de la même manière lors du match opposant le Danemark à la Bulgarie, à Sofia. Les exemples sont légion, de la Grande-Bretagne à la Russie, de l’Ukraine à la Grèce. Pourtant, nous sommes en Europe et au XXIe siècle !
Les exemples de ce racisme sont légion, de la Grande-Bretagne à la Russie, de l’Ukraine à la Grèce. Pourtant, nous sommes en Europe et au XXIe siècle !
Les grands esprits vont me dire : « Ce n’est qu’une affaire d’étourdis. Il ne faut pas voir le racisme partout. » Évidemment, le racisme n’existe pas. Il n’existe que dans la tête de ceux qui se plaignent d’en être les victimes alors qu’ils pratiquent, en réalité, un « racisme antiblanc ». Soit. Mais comment qualifier le fait de s’en prendre à quelqu’un à cause, uniquement, de son aspect physique ? C’est, ni plus ni moins, du racisme, n’en déplaise à ceux qui peuvent s’imaginer que je recherche « le sanglot de l’homme blanc ». Et puis, quelle hypocrisie que l’expression « cris de singe » ! Qu’est-ce à dire ? De quel singe s’agit-il ? Du macaque, du gorille, du bonobo, de l’orang-outan, du capucin, du mandrill, du nasique, du lagotriche, du patas, du vervet, du babouin ou du chimpanzé ? Il faut savoir !
Les Italiens qui ont offensé Boateng et ses camarades savaient-ils ce que l’arrogance et le mépris des autres ont coûté à leurs ancêtres en Afrique ? Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Italiens, avides de conquêtes, jettent leur dévolu sur l’Éthiopie actuelle. Ils n’hésitent pas à grignoter le territoire du négus en occupant le port de Massawa. Une première bataille, que les Italiens perdent, a lieu en janvier 1887, à Dogali. En 1889, Ménélik II devient empereur. Il signe un traité avec Rome. Mais un des articles, selon qu’il est lu en amharique ou en italien, pose problème. Pour les Italiens, l’article stipule que l’Abyssinie est désormais leur protectorat. Pour Ménélik, c’est le contraire : son empire peut entrer en contact avec d’autres puissances par le biais de l’Italie. Le désaccord persistant, la guerre reste le dernier recours. Le 1er mars 1896, l’armée de Ménélik II, méprisée parce que constituée de sauvages, écrase celle, moderne, du général Oreste Baratieri, à Adoua. Que cette déculottée leur serve de leçon.
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