Hocine Ben : un slameur dans le 9-3
De retour d’une tournée en Algérie, l’acteur-slameur Hocine Ben confie son attachement au département où il a grandi, celui de Seine-Saint-Denis.
Le gars, sorte de gavroche de la banlieue, beaux yeux bleus, tout juste la quarantaine, ne quitte jamais son béret et son écharpe blanche. Il parle d’une voix posée, une voix qu’il a appris avec le temps à adoucir. « Je sais, ça va faire cliché de dire ça, mais le slam a tout changé pour moi. » Hocine Ben est né… vit encore à Aubervilliers, et hésite toujours, un peu moins depuis qu’il est papa d’une petite fille, à quitter cette banlieue populaire aux portes de Paris. D’ailleurs, dans son texte AuBercail, il dit : « Aubervilliers ! Dis-moi pourquoi je suis encore dans tes murs ? T’entends pas mes prières ? Dis-moi, t’entends pas mes murmures ? C’est pas que je me lasse de toi, mais le monde est vaste et le monde m’appelle ! Auber je t’ai déjà prévenu, un jour je manquerai à l’appel ! »
« Je me suis enfin libéré de ce poids, de cette culpabilité. J’avais l’impression que si je partais, je quittais le navire, mais j’ai compris qu’on pouvait agir en vivant ailleurs. » Hocine Ben agit en sillonnant le monde avec des textes engagés et poétiques depuis une bonne dizaine d’années, depuis qu’il a découvert le slam. « En 1999, j’étais dans une salle d’attente d’un médecin et je suis tombé par hasard sur un article. Ça parlait de slam et ça m’a tout de suite parlé. » Avec ses textes, il s’est donc mis à arpenter les salles où les slameurs se réunissaient. « À l’époque, ça se faisait surtout dans les bars, les gens prenaient le micro et c’était parti, raconte-t-il. Le slam est resté pendant longtemps underground, c’était l’évolution du rap. » Ses textes relatent son parcours, ses environnements, mais aussi ses identités, dont la principale, celle qui vient du 93, le département de Seine-Saint-Denis. « Pour moi, c’est le point commun, je suis banlieusard avant d’être français ou avant d’être algérien. Je trouve qu’on n’a pas encore raconté cette mémoire. Même si ça évolue un peu, il y a encore beaucoup de choses qu’on n’a pas dites. » Comme, par exemple, ce qu’il dit dans La Muselière : « Tu sais, tu peux toujours rénover nos tours, si tu ne rénoves pas ton regard… Mon slam t’attend au tournant pour te raviver la mémoire. Novembre 2005, elles sont encore chaudes les braises… Avoir 20 piges dans les Aurès, en avoir 15 dans le 9-3 ! »
Aubervilliers! Dis-moi pourquoi je suis encore dans tes murs? C’est pas que je me lasse mais le monde est vaste et m’appelle!
Hocine Ben, Slameur
Hocine Ben revient tout juste de sa première grosse tournée en Algérie, titrée Bled Runner, en hommage à ses parents, deux Algériens analphabètes qui ont débarqué en région parisienne à la fin des années 1950. « Ils ont quitté leur petit village, près de Sétif, comme l’aurait fait un Basque quittant Bayonne, pour rejoindre la capitale. L’Algérie était encore française à cette époque. » Bled Runner, ou quinze jours de l’autre côté de la rive, à Alger, Oran, Tlemcen ou Constantine pour dire aux Algériens ce que peut ressentir un « immigri ». « Le public était extra, très réceptif, se réjouit-il. On laissait la porte de la salle ouverte à chaque concert. Et là, tu avais des rappeurs locaux, des danseurs, et des beatboxers qui venaient nous rejoindre. » Dernier de sa fratrie, Hocine Ben a souvent le sourire. Cela doit venir de cette enfance heureuse, « grâce à l’amour que m’ont donné mes parents et mes huit frères et soeurs ». Même si la famille ne roulait pas sur l’or : le père, ouvrier, travaille en usine ou sur les chantiers. Hocine Ben a quitté l’école en seconde. « Heureusement que je n’ai pas tout rejeté du système scolaire ! s’exclame-t-il. J’avais un super prof de français : je lisais la littérature française, et puis à 17 ans, j’ai découvert que « chez nous » aussi il y avait de grands auteurs : Rachid Mimouni, Mouloud Feraoun, Aziz Chouaki, Azouz Begag ou Driss Chraïbi… »
Comme la roue tourne, il a même représenté la Francophonie à l’étranger, lors d’un concours de slam au Brésil, en 2009. Il s’en est fallu de peu pourtant pour que Hocine Ben prenne un autre chemin. « J’ai fait quelques bêtises, mais rien de méchant. Ce n’est pas une fatalité, quand tu grandis dans un quartier, de devenir délinquant. Mais disons qu’ici tu as le mode d’emploi si tu veux aller dans ce sens-là… » Lui-même a grandi à La Maladrerie, près du fort d’Aubervilliers, un quartier à la mauvaise réputation. « Moi, j’adore cet endroit. Il y a des problèmes de délinquance, en partie liés aux problèmes sociaux qui touchent des familles de plus en plus pauvres, mais il y a une belle solidarité que je n’ai pas retrouvée ailleurs. » Ailleurs, ça pourrait être à Cannes par exemple, où il a passé quelques jours en mai dernier, avec l’équipe de Rengaine, le premier long-métrage de Rachid Djaïdani. Hocine Ben y joue le rôle… d’un flic intègre ! On l’a également vu dans Rue des cités, un excellent film de Hakim Zouhani et Carine May, deux amis d’enfance, sélectionné aussi à Cannes en 2011. Visant un peu plus haut chaque année, Hocine Ben travaille aujourd’hui avec Shani Diluka, une pianiste sri-lankaise. Un projet pour 2013, visant à rapprocher deux mondes. Après Hocine Ben, Hocine Benthoven ?
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