Le nouveau président chinois Xi Jinping rompt avec l’ancien style
Le président de la Chine, Xi Jinping, tombe la cravate, fait la une des magazines et s’efforce d’apparaître comme un dirigeant proche des gens. Un changement de style sans précédent à la tête de la République populaire.
Le nouveau numéro un du parti communiste, Xi Jinping, ne prendra officiellement ses fonctions qu’en mars, mais déjà il impose un nouveau style à la tête de l’État. En Chine, tout est affaire de symboles, et c’est donc à Shenzhen, dans le Guangdong, qu’il a fait ses premiers pas. Là même où, il y a tout juste vingt ans, Deng Xiaoping donna le coup d’envoi des réformes écono miques.
« Ce premier voyage officiel a été marqué par plusieurs gestes symboliques, explique David Guo, analyste chez Rothschild Asset Management, à Hong Kong. Il y a d’abord eu un dépôt de fleurs devant un monument à la gloire de Deng, ce qui indique que le nouveau pouvoir entend se placer dans la droite ligne des réformes entreprises par l’ancien président. Xi a ensuite participé à un forum avec six grands patrons chinois, dont cinq venaient du secteur privé, ce qui traduit sans doute une volonté de redonner toute sa place à ce dernier, alors que, depuis plusieurs années, le secteur public avait regagné beaucoup de terrain. Et puis on a noté que, lors du voyage à Shenzhen, les membres de la délégation officielle étaient descendus dans des hôtels de catégorie moyenne, ce qui doit être interprété comme un appel aux responsables politiques à adopter un train de vie moins dispendieux, à se montrer plus proches du peuple. Enfin, anecdote intéressante, lors d’une visite dans des écoles, Xi Jinping a fait distribuer aux élèves des dictionnaires d’anglais, geste dans lequel il faut voir une invitation à plus d’ouverture internationale.
Bréviaire
Les banquiers de Hong Kong ne sont pas les seuls à suivre avec attention les premiers pas de Xi Jinping. « On voit de plus en plus de portraits de lui en première page des magazines, commente un journaliste de la télévision publique CCTV. Il est parfois montré sans cravate, détendu, souriant… C’est très inhabituel. D’ordinaire, c’est le Parti qui est mis en évidence dans les journaux, jamais les individus. Il y a même eu des articles retraçant sa jeunesse ou sa vie de famille… » Même Chine nouvelle, la très officielle agence de presse, souligne sa volonté de lutter contre la bureaucratie et la langue de bois.
Le nouveau bréviaire des cadres du Parti fixe des règles très précises : adieu les tapis rouges, les discours sans fin prononcés sur un ton monocorde, les restrictions à la circulation automobile dans les villes pendant les voyages officiels, les banquets interminables, les réunions de travail où l’alcool coule à flots… Les responsables sont désormais astreints, plusieurs fois par an, à se rendre dans les campagnes pour entendre les doléances des citoyens les plus pauvres… Déjà, dans les provinces, chacun redouble de zèle pour montrer son attachement aux nouvelles directives !
Une volonté affichée de suivre la trace de feu Deng Xiaoping, l’artisan du décollage économique.
« Lors de son arrivée aux affaires, chaque nouveau dirigeant place la lutte contre la corruption au premier rang de ses préoccupations et s’efforce de montrer un visage plus humain pour désamorcer les contestations, explique le professeur Zhu Lijia, de l’Académie des sciences politiques. Espérons que le nouveau président soit sincère et, surtout, qu’il ait l’autorité nécessaire pour imposer ses vues aux cadres du Parti dans les provinces. Mais, jusqu’à preuve du contraire, cette campagne n’est rien d’autre à mes yeux qu’une opération de relations publiques. » Reste que, pour l’instant, le message passe plutôt bien. À en croire un sondage publié par le Quotidien de la jeunesse de Chine, à Pékin, 91 % des personnes interrogées sont favorables à des discours moins formels et sont d’accord avec les mesures décidées par Xi Jinping.
Président « normal », ce dernier ne ménage pas ses efforts pour se construire une image de réformiste à tendances ouvertement modernistes. Il a même une page sur Weibo, le Twitter chinois, suivie par plus de 53 000 personnes. On y apprend que, « comme tous les gens du peuple "Oncle Xi" regarde des films » ; qu’il a un faible pour les films de guerre américains, comme Il faut sauver le soldat Ryan ; mais que La Cité interdite (2007), du réalisateur chinois Zhang Yimou, le laisse « perplexe ». Jusqu’ici, les noms des dirigeants chinois étaient censurés sur Weibo. « C’est un pas dans la bonne direction », estime l’éditorialiste de l’influent magazine Caixin, qui espère que le suivant sera la publication du montant de la fortune des dirigeants. « Le Parti fait face à de sérieuses difficultés, écrit-il, le peuple a perdu toute confiance dans le gouvernement, parce que celui-ci ne tient pas ses promesses et que ses membres multiplient les abus de pouvoir. »
Adieu tapis rouges, langue de bois et banquets interminables.
« En Chine, tempère John Russell, directeur d’une agence d’intelligence économique à Pékin, la véritable direction est collégiale. Xi Jinping devra tenir compte des luttes d’influence et composer avec la frange la plus conservatrice du Parti. Au début, Hu Jintao aussi s’était engagé à lutter contre la corruption. On sait ce qui en a résulté… »
Quoi qu’il en soit, Xi Jinping souffle à merveille le chaud et le froid. Tout en cultivant son image de président « normal », il flatte la fibre patriotique de ses compatriotes. Au mois de décembre, il a par exemple visité plusieurs casernes de l’Armée populaire de libération et appelé à un « renouveau nationaliste ». Il veut une armée forte, une politique digne, et exalte désormais le « rêve chinois » – comme il y avait naguère un « rêve américain ». Il a dix ans pour le mener à bien.
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