Législatives en Israël : Netanyahou peut-il perdre ?

Plombé par les ennuis judiciaires de son colistier, Avigdor Lieberman, et débordé sur sa droite par Naftali Bennett, le favori des élections législatives du 22 janvier est en perte de vitesse dans les sondages.

Shelly Yachimovich (au centre), chef de file des travaillistes. © AFP

Shelly Yachimovich (au centre), chef de file des travaillistes. © AFP

perez

Publié le 22 janvier 2013 Lecture : 4 minutes.

Le crâne largement dégarni recouvert d’une kippa tricotée, signe de reconnaissance des colons israéliens, Naftali Bennett incarne le renouveau de la mouvance sioniste religieuse. Il dirige la Maison juive (Habayit Hayehudi), héritière du Parti national religieux (PNR), disparu en 2008. Depuis plusieurs semaines, sa formation se voit créditée de 11 à 15 sièges aux élections législatives du 22 janvier, contre 3 dans l’actuelle Knesset. Le jeune quadragénaire est aujourd’hui l’attraction d’une campagne électorale où tout semblait joué d’avance.

Cette surprenante ascension s’explique par la personnalité de Bennett, dont le pedigree reflète bien des facettes de la société israélienne. Fils d’immigrants juifs américains, il fut officier supérieur dans les commandos de Tsahal avant de lancer une start-up spécialisée dans la protection des circuits bancaires. La vente de l’entreprise en 2005 pour quelque 145 millions de dollars (111 millions d’euros) a fait de Bennett l’une des plus jeunes fortunes du pays.

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Après avoir accompagné Netanyahou jusqu’à son triomphe électoral de 2008, Bennett décide de poursuivre une carrière d’irrédentiste au sein du Yesha, le Conseil des implantations juives de Judée-Samarie (Cisjordanie). Tout en résidant dans la banlieue huppée de Tel-Aviv, il s’impose comme un farouche adversaire de l’État palestinien, « future base arrière du terrorisme », selon lui. Son alternative : le « plan Bennett », qui propose l’annexion de 62 % de la Cisjordanie, actuellement sous contrôle israélien. Mais la popularité de Bennett s’explique surtout par une volonté d’ouverture, inédite pour un parti religieux. Sur sa liste figurent par exemple des personnalités laïques ou d’autres connues pour leur engagement social. « Notre objectif est de devenir la deuxième force politique du pays », clame-t-il, au grand dam de Netanyahou, dont le parti assiste, impuissant, au grignotage de son électorat par Bennett.

Le Likoud paie sa propre radicalisation.

Même s’il reste largement favori, le Likoud ne recueillerait plus que 35 sièges au Parlement, contre 45 au moment de l’annonce de son alliance avec le parti d’extrême droite Israel Beitenou (« Israël, notre maison »), fin octobre 2012. Entre-temps, son leader russophone, Avigdor Lieberman, a été inculpé pour fraude et abus de confiance dans une affaire de nomination d’ambassadeur. Sa démission du poste de ministre des Affaires étrangères est un coup dur pour Netanyahou, qui en avait fait le numéro deux de sa liste.

Le retour de la gauche

Le Likoud paie également sa propre radicalisation. Ses primaires ont vu l’émergence d’une jeune garde d’ultranationalistes, à l’instar de Danny Danon et Moshé Feiglin, fervents supporteurs de la colonisation. « Ce parti n’est plus celui que nous connaissions », affirme Shelly Yachimovich, chef de file des travaillistes. Celle qu’on surnomme la « dame de fer » symbolise le retour au premier plan d’une gauche sur le déclin depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin. Au discours sécuritaire de Netanyahou, l’ex-journaliste oppose une campagne résolument sociale, s’appuyant sur les revendications des Indignés, qui avaient battu le pavé en masse durant l’été 2011. Son principal atout : Stav Shaffir, 26 ans, l’une des figures de cette révolte des classes moyennes contre la vie chère, en passe de devenir la plus jeune députée de la Knesset.

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Principal outsider avec 18 à 20 sièges, le parti travailliste a d’ores et déjà annoncé son refus de participer à une coalition qui compterait des formations d’extrême droite et ultraorthodoxes. « Il y a seulement deux possibilités. Soit le Parti travailliste, sous mon autorité, forme le prochain gouvernement, soit nous dirigerons l’opposition », a tranché Yachimovich, qui ambitionne par ailleurs de relancer le processus de paix avec les Palestiniens.

Appel à l’union

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Le positionnement de Yachimovich séduit Tzipi Livni, autre candidate phare. Battue par Shaul Mofaz lors des primaires de la formation centriste Kadima en mars 2012, Livni a relancé sa carrière politique en créant Hatnouah (« le Mouvement »). Elle rêve désormais de faire tomber Netanyahou, dont elle n’a pourtant été qu’une médiocre opposante ces quatre dernières années. Problème : ses 9 à 11 mandats annoncés ne lui permettent pas de faire cavalier seul. Après l’avoir un temps snobée, puis trahie en lui arrachant le très populaire Amir Peretz, ex-numéro trois de la liste travailliste, Livni souhaite trouver un terrain d’entente avec Yachimovich. « Si les électeurs nous voient tous unis, ceux qui désespéraient de tout changement iront voter, ce qui pourrait nous permettre de constituer un bloc plus important que celui du Likoud-Israel Beitenou », assure l’ex-ministre des Affaires étrangères.

Si le Parti travailliste approuve son appel à l’union, de plus en plus convaincu que « la victoire est possible », Yaïr Lapid et sa formation Yesh Atid (« Il y a un futur »), autre alternative centriste, ne sont pas convaincus du bien-fondé d’une telle stratégie. En plus de reprocher à Livni un « ego démesuré », l’ex-présentateur vedette de la télévision israélienne préfère combattre de l’intérieur le futur gouvernement Netanyahou, martelant toutefois qu’il ne sera pas « la cinquième roue du carrosse ». En attendant, même en perte de vitesse, le bloc de droite conserve une majorité de 66 à 67 députés face à une opposition de gauche et centriste toujours à l’état embryonnaire. 

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