Sénégal : l’étau se resserre autour d’Abdoulaye Wade
Un homme de confiance de l’ancien président a été inculpé de détournement de deniers publics, le 7 janvier. Règlement de compte politique ou nouvelle pièce à verser au dossier des « biens mal acquis » ?
Au Sénégal, pas une semaine ne passe sans que la saga judiciaire de la traque aux « biens mal acquis » ne connaisse un nouvel épisode. Après la séquence Karim Wade, durant laquelle l’ancien ministre a été auditionné à plusieurs reprises par les enquêteurs et s’est vu refuser le droit de quitter le territoire, c’est désormais son père, l’ancien président Abdoulaye Wade, qui fait l’objet de toutes les attentions.
Dans la nuit du 31 décembre 2012 au 1er janvier 2013, un de ses hommes de confiance, l’ancien député Alioune Aïdara Sylla, a été intercepté à l’aéroport de Dakar en possession de chèques dont les montants totaliseraient 4,5 millions d’euros. En sa possession également : un mandat de l’ex-chef d’État lui donnant le pouvoir d’utiliser ces chèques, soit pour rembourser des dettes, soit pour finir les travaux de sa maison familiale située à Dakar et la construction d’une autre de ses maisons à Touba, soit pour acheter du matériel à Dubaï. À l’issue de son audition par un juge d’instruction le 7 janvier, l’homme d’affaires a été inculpé de blanchiment d’argent et de détournement de deniers publics. Il a été placé sous mandat de dépôt.
"Persécution"
Pour le Parti démocratique sénégalais (PDS), dont Sylla est membre du comité directeur, il s’agit d’une nouvelle preuve de la « persécution » dont ses cadres se disent victimes. « Le pouvoir veut tuer notre parti, dénonce un ancien ministre. Mais dans cette histoire, il n’y a rien ! C’est beaucoup de bruit pour rien. »
Selon l’entourage de Wade, cet argent proviendrait d’un don fait par un émir du Golfe, « proche d’un roi », il y a quelques mois. Promis en mai 2012 lors de la dernière visite de l’ex-chef d’État en Arabie saoudite, à l’occasion du petit pèlerinage, l’argent aurait été versé en septembre sur le compte d’une banque de Dubaï, en dirhams. Sylla, qui y possède une entreprise, aurait été chargé de le récupérer et de le distribuer. Lors de son passage à Dakar, il devait notamment rembourser les dettes que Wade a contractées auprès de deux de ses amis et anciens ministres afin de payer les salaires des membres de son cabinet (23 personnes) et de couvrir certaines dépenses datant de la dernière campagne électorale : Samuel Sarr (à hauteur de 1,37 million d’euros) et Madické Niang (à hauteur de 600 000 euros).
Cette version des faits est pour l’heure invérifiable. « L’argent peut tout aussi bien être planqué sur un compte depuis des années », persifle un député de la majorité. Pour l’entourage de Wade, elle est « la preuve qu’il n’est pas aussi riche qu’on le dit ». Les mêmes sources affirment qu’une attestation de la banque dans laquelle auraient été versés les fonds de l’émir prouvant la régularité de l’opération a été transmise aux enquêteurs.
Enquête préliminaire
L’ancien président peut-il être inquiété ? Non, rétorque-t-on au ministère de la Justice, pas plus dans cette affaire que dans celles qui concernent son fils et ses anciens ministres [L’Assemblée nationale a notamment levé, le 10 janvier, l’immunité des députés et anciens ministres d’Abdoulaye Wade, Oumar Sarr, Ousmane Ngom du PDS et Abdoulaye Baldé de l’Union centriste du Sénégal, NDLR]. L’article 101 de la Constitution est d’ailleurs très clair : « Le président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. » En d’autres termes : il jouit d’une immunité presque totale.
Mais Wade, qui vit à Versailles, en France, depuis six mois, n’est pas à l’abri partout. Ainsi, la plainte déposée dans ce pays fin novembre par l’État du Sénégal pour recel de détournement de fonds publics, recel d’abus de biens sociaux et recel de corruption le vise explicitement (ainsi que son fils, Karim). Dans cette demande d’information judiciaire, il est soupçonné de posséder, outre la maison de sa belle-famille à Versailles, plusieurs biens immobiliers à Paris (dans les 14e, 16e, 17e et 20e arrondissements). Charge a été donnée aux limiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière de le vérifier dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en décembre.
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