Iran – États-Unis : pourront-ils s’entendre ?
Téhéran et Washington devraient ouvrir des discussions pour essayer d’aplanir leurs différends. Mais les écueils, de part et d’autre, ne manquent pas.
Ces dernières semaines, les médias – tant américains qu’iraniens – évoquent de possibles pourparlers entre Washington et Téhéran. Si elle venait à se confirmer, une telle initiative pourrait sortir les relations américano-iraniennes de l’impasse où elles se trouvent depuis que le chah, allié de Washington, a été renversé par la révolution islamique de 1979. Mais, dans les deux capitales, les jusqu’au-boutistes s’opposent à toute tractation directe. À Washington, le « parti de la guerre » refuse de parler aux mollahs : il veut les abattre. À Téhéran, on ne croit pas un instant que les États-Unis cherchent autre chose que la capitulation servile de l’Iran.
Il se dit aussi que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne (le « P5+1 ») envisagent un nouveau cycle de négociations avec l’Iran sur la question nucléaire, le premier depuis juin dernier. Mais, à moins que Washington et Téhéran ne manifestent davantage de flexibilité, de réelles avancées sont peu probables.
L’horizon est sombre. Depuis deux ans, le spectre d’une guerre israélienne contre l’Iran plane sur la région. Pour écarter le danger d’une telle attaque – qui aurait contraint les États-Unis, réticents, à s’y rallier -, le président Barack Obama a soumis l’Iran aux sanctions les plus dures jamais imposées à un pays. La guerre a pu être évitée. Mais elle sera de nouveau sur l’agenda des jusqu’au-boutistes israéliens et de leurs partisans américains en 2013 si aucun progrès n’est réalisé.
Programme nucléaire
Une guerre contre l’Iran, qui pourrait rapidement s’étendre à toute la région, est la dernière chose dont le Moyen-Orient a besoin. Il est au contraire urgent que les tensions régionales diminuent afin de favoriser la possibilité d’un compromis qui résoudrait la crise iranienne mais aussi les nombreux autres conflits, comme la guerre civile en Syrie ou le conflit israélo-palestinien.
La question iranienne est particulièrement difficile car elle porte davantage sur des enjeux de géopolitique que sur des détails de technologie nucléaire. Les États-Unis estiment que la République islamique conteste son hégémonie sur les États pétroliers du Golfe. Israël, de son côté, veut la suprématie militaire sur tous ses voisins. En 2003, l’État hébreu et ses amis ont exercé d’intenses pressions sur les États-Unis pour que soit détruit l’Irak. Puis ils se sont tournés contre l’Iran, dont le programme nucléaire menace le monopole atomique de l’État hébreu, qui n’a pas hésité à assassiner des scientifiques iraniens et a mené, de mèche avec les États-Unis, une cyberguerre clandestine contre les installations nucléaires en Iran. De leur côté, l’Arabie saoudite et ses voisins arabes voient la République chiite comme une puissance hostile qui menace la suprématie sunnite dans la région et mine l’ordre politique arabe.
État paria
Autant de motifs géopolitiques qui rendent peu probables des avancées dans le dossier iranien dans le cadre de négociations bilatérales avec l’Amérique ou dans celui du P5+1. Il suffirait pourtant d’un minimum de bonne volonté pour qu’un compromis soit trouvé.
Israël, qui possède un vaste arsenal nucléaire, a toujours refusé toute inspection de ses installations nucléaires.
Que revendique l’Iran ? Tout d’abord que soit reconnu son droit à enrichir de l’uranium sur son territoire à des fins pacifiques. Un tel droit est énoncé dans l’article IV du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968 (TNP), dont l’Iran est signataire. Israël, qui possède un vaste arsenal nucléaire, n’a jamais signé le TNP et a toujours refusé toute inspection de ses installations nucléaires par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), quand l’Iran accepte depuis des années la surveillance régulière de ses activités nucléaires. En outre, Téhéran a plusieurs fois proposé de cesser d’enrichir son uranium à 20 % si on l’autorisait à acquérir des barres de combustible à l’étranger pour son réacteur de recherche, lequel produit des isotopes médicaux pour un million de malades du cancer. Il est prêt à maintenir l’enrichissement de son uranium sous le seuil des 5 % – supprimant tout risque de prolifération militaire – en échange de la levée des sanctions qui visent ses exportations de pétrole, ses transactions financières et son industrie nucléaire. Enfin, l’Iran veut que soit admise la légitimité de son régime islamique issu de la révolution de 1979. Il ne veut plus être traité en État paria, mais comme une puissance régionale importante.
Ligne dure
Ses chances d’y parvenir semblent faibles. Le Congrès américain fait campagne pour durcir les sanctions. Pressés par Israël, les États-Unis insistent pour que l’Iran abandonne préalablement tout programme d’enrichissement d’uranium avant de pouvoir obtenir l’assurance de concessions significatives. En posant cette exigence extrême, les États-Unis foulent aux pieds les droits garantis par le TNP et ignorent que la République islamique s’est longtemps conformée aux prescriptions de l’AIEA. Washington s’est fondé sur des résolutions du Conseil de sécurité orientées politiquement, comme la résolution 1696 de juillet 2006 qui exige l’arrêt de tout enrichissement au motif non démontré que l’Iran tente d’obtenir l’arme nucléaire et menace la paix et la sécurité internationales.
N’est-il pas temps pour les autres membres du P5 – en particulier la Russie et la Chine – de s’élever contre les punitions imposées à l’instigation de Washington et de chercher par eux-mêmes à cerner les intentions de Téhéran ? En mai 2010, le Brésil et la Turquie étaient parvenus à un accord avec l’Iran pour envoyer en Turquie 1 200 kg d’uranium faiblement enrichi (contre le renvoi de 120 kg de minerai enrichi à 20 %). Mais les États-Unis l’ont torpillé, préférant alourdir encore les sanctions. Une initiative de la Russie et de la Chine pour trouver un compromis pourrait amener Washington à repenser sa stratégie, voire à leur emboîter le pas. Mais la marge de manoeuvre d’Obama, entravé par un Congrès pro-israélien, paraît bien mince.
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