Les États subsahariens toujours plus présents sur le marché de la dette

Les pays d’Afrique subsaharienne, qu’ils soient anglophones ou francophones, ont de plus en plus recours aux marchés internationaux pour leur financement budgétaire. Une tendance qui semble devoir perdurer malgré la fin probable des politiques monétaires accommodantes des pays riches.

Le Kenya s’apprête à émettre un eurobond de 1,5 milliard de dollars. DR

Le Kenya s’apprête à émettre un eurobond de 1,5 milliard de dollars. DR

Publié le 17 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

La RD Congo vient d’être notée par l’agence américaine Standard & Poor’s. Si la note, à B-, est faible, elle présente néanmoins un nouvel indice du regain de crédibilité d’un nombre de plus en plus important de pays africains. En tout début de semaine, la Côte d’Ivoire annonçait qu’elle entendait à son tour faire appel aux marchés internationaux pour émettre un eurobond (emprunt libellé en dollars) de 500 millions de dollars d’ici à mi-2014. Elle fait suite aux annonces du Kenya et de la Tanzanie, qui ont tous deux fait part de leur intention de lever respectivement 1,5 et 1 milliard de dollars dès début 2014. Et la semaine dernière, le Gabon levait avec succès 1,5 milliard de dollars pour refinancer une partie de sa dette et investir dans ses infrastructures.

Les États africains diversifient leurs sources de financement

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Alors que les États d’Afrique subsaharienne faisaient traditionnellement appel aux bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou aux prêteurs bilatéraux comme l’Agence française de développement (AFD) ou ses homologues des pays occidentaux, les Seychelles ont été le premier pays africain à rompre avec cette tradition. En 2006, l’île de l’Océan indien est ainsi parvenue à émettre 200 millions de dollars. À l’époque, cet événement paraissait comme une bizarrerie alors que la région sortait à peine de plusieurs années d’une douloureuse restructuration due au surendettement des années 1980. La plupart des investisseurs considéraient encore le continent comme « désespéré ».

Mais, comme le prouvent ces nombreux exemples, le marché est désormais en plein essor. Rien que cette année, on recense quelque 10 milliards de dollars de levées de fonds à l’international. Et chacune de ces émissions a été amplement sursouscrite. Si on assiste à autant d’annonces en ce moment, c’est aussi parce que les États africains ont conscience qu’ils ont une fenêtre de tir limitée.

Politique monétaire accommodante des pays riches

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En effet, ils ont amplement bénéficié de la politique monétaire hétérodoxe menée notamment par la Federal Reserve (FED), la banque centrale des États-Unis, mais aussi au Japon et en Europe. Avec une économie de plus en plus forte – les chiffres de l’emploi sont en augmentation constante -, la fin de cette politique paraît inéluctable. Tant que Washington fait tourner la planche à billets, les investisseurs en quête de rendement doivent se rabattre sur des produits plus exotiques comme les dettes des pays émergents. Mais à partir du moment où les taux des obligations américaines redeviennent intéressants, la dette de la première puissance économique mondiale redevient attractive et cela oblige les pays émergents à proposer des taux plus élevés pour attirer les investisseurs internationaux.

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Le mouvement d’endettement des pays subsahariens prouve aussi leur intégration croissante aux marchés internationaux, un mouvement qui ne va pas sans alerter sur leur plus grande vulnérabilité aux chocs extérieurs. En effet, emprunter en dollars comporte le risque de devoir rembourser en dollars. Tant que la monnaie locale se porte bien, cela ne pose pas de problème. Mais si cette monnaie s’effondre, par exemple en raison d’un retournement du prix du cuivre dans le cas de la Zambie, la facture peut très vite s’alourdir et la dette devenir insoutenable. Le FMI a mis en garde pour la première fois les investisseurs en soulignant cette vulnérabilité aux « chocs financiers mondiaux ».

À quand les entreprises africaines ?

L’indice Nexgem Afrique, mis au point par JPMorgan et qui suit le marché obligataire dans la région, trouve une moyenne de 6,79 % actuellement contre un point bas en janvier 2013 à 5,3 %. En juin, alors qu’on s’attendait à une fin de la politique monétaire américaine, l’indice atteignait un taux record de 7,9 %, signe de la sensibilité des pays émergents aux décisions prises à Washington. Malgré tout, les investisseurs restent confiants, notamment parce que de plus en plus de pays vont faire leur première entrée sur le marché. De quoi diversifier les risques pour les investisseurs friands de dette dite « frontière » – et très rentable.

Prochaine étape selon Moody’s, l’endettement libellé en dollars émis par les entreprises, un phénomène encore très largement circonscrit à l’Égypte et à l’Afrique du Sud, même si BMCE, l’un des principaux établissements bancaires marocains, vient de lever, avec succès, 300 millions de dollars. 2014 montrera si cette tendance est durable.

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