Quand Kehinde Wiley couve un jeune plasticien sénégalais
Sous la tutelle du peintre africain-américain portraitiste d’Obama, le jeune franco-sénégalais Alexandre Diop puise aux sources de la pensée africaine et sature ses œuvres de références historiques.
C’est grâce au programme de mentorat initié par Reiffers Art Initiatives qu’Alexandre Diop a pu bénéficier des conseils et du soutien du peintre africain-américain Kehinde Wiley. Ils ont en effet en commun « une admiration pour les grandes figures (politiques) africaines », selon l’artiste, dont Cheikh Anta Diop, à qui Alexandre Diop rend hommage à plusieurs reprises. Dans son exposition parisienne, une bibliothèque présente ainsi les œuvres complètes de l’écrivain au milieu de fétiches et de dessins contemporains.
Une sculpture abstraite lui est dédiée dans un style « récupération » assez caractéristique du travail du jeune artiste. Le street art et Basquiat influencent également son esthétique, soit sous forme de portraits esquissés à grands traits, soit par l’omniprésence des graffitis et du langage. Piqué au vif si l’on suggère qu’il fait du Basquiat contemporain, Alexandre Diop n’en revendique pas moins une filiation avec de nombreux artistes, dont Kehinde Wiley évidemment.
Une réussite panafricaine
Le portraitiste américain représente pour lui « une réussite panafricaine, un artiste qui a des qualités techniques incroyables et qui a compris l’héritage africain des Africains-Américains ». Kehinde Wiley est notamment connu pour avoir réalisé les portraits du couple Obama en 2018, et il est désormais exposé dans les plus grands musées du monde. Le musée d’Orsay, à Paris, lui a consacré une exposition en septembre 2022, preuve que son travail dépasse les frontières américaines et entre progressivement dans l’histoire de l’art.
Cette histoire de l’art, Alexandre Diop rêve d’y entrer à son tour par la grande porte, quitte à forcer le destin. Non sans un certain culot, ses toiles évoquent à la fois le cubisme, Picasso, Braque ou Picabia, tandis que ses installations accumulent les références à l’histoire récente et à la colonisation : le discours est donc très chargé.
« Talismans » et matériaux bruts
La qualité des œuvres compense heureusement l’empilement des références, d’autant que l’artiste travaille beaucoup avec des matériaux bruts et naturels : « J’utilise l’huile de lin, la peinture à l’huile, le cuir, des morceaux de métal, du bois… Je cherche des matériaux pendant mes balades comme on va dans un magasin, parce qu’ils me servent d’outils pour mes œuvres », explique-t-il. Attaché à une démarche artisanale, Alexandre Diop veut éviter de « se répéter » et pratique toutes les techniques.
L’artiste revendique une filiation avec l’animisme
Si ses grandes toiles sur panneaux sont saturées d’objets collés et de couches de peinture, ses dessins petit format au pastel gras laissent apparaître une sensibilité presque enfantine, proche de l’art brut. Et les installations prennent des allures de « talismans », de l’aveu de l’artiste, qui revendique une filiation avec « l’animisme » en lien avec ses origines sénégalaises.
Le panafricanisme aujourd’hui
Des références africaines sont intégrées à la plupart de ses œuvres, entre matériaux de récupération et fétiches de Côte d’Ivoire jouxtant les toiles. Ce rapport à ses origines lui donne un point commun avec son mentor américain, et Alexandre Diop confirme que leurs conversations ont beaucoup tourné « autour du panafricanisme aujourd’hui, de Cheikh Anta Diop, et du passage de relais d’une génération à une autre ».
Alexandre Diop est attendu en novembre au Sénégal pour une résidence à Black Rock, le lieu créé par Kehinde Wiley. Entre le jeune artiste et la star africaine-américaine, la relation s’annonce donc durable.
« La prochaine fois le feu », Acacias Art Center, Paris 17e, exposition jusqu’au 19 novembre 2022.
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