Législatives au Japon : Shinzo Abe, le retour du faucon
Dix jours après avoir remporté, avec son parti, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite), le scrutin législatif anticipé, Shinzo Abe a été élu, le 26 décembre, Premier ministre du Japon. Obtenant 328 voix pour 478 votant, c’est la deuxième fois de sa carrière que ce nationaliste pur et dur se hisse à la tête du pays. Il aura bien du mal avec les Chinois et les Nord-Coréens.
Trois ans après avoir été chassé du pouvoir par les urnes, le Parti libéral-démocrate (PLD), emmené par le nationaliste conservateur Shinzo Abe, y revient à l’issue d’élections législatives aux allures de plébiscite. Le 16 décembre, il a en effet, avec le Nouveau Komeito (bouddhiste), son allié centriste, remporté les deux tiers des sièges de la chambre basse du Parlement. Le Parti démocrate du Japon (PDJ), la formation de centre gauche du Premier ministre sortant, Yoshihiko Noda, n’est parvenu à sauver que 57 sièges. Ce bouleversement radical du paysage politique n’a qu’un seul précédent, quand, lors des législatives de 2009, l’électorat avide d’alternance avait mis fin au règne, sans partage depuis 1950, du PLD.
C’est donc le grand retour de Shinzo Abe, l’ancien bras droit de Junichiro Koizumi, auquel il avait succédé en 2006, devenant du même coup le plus jeune Premier ministre japonais de l’après-guerre. Le premier, aussi, à être né après la fin du conflit mondial. Il avait été contraint de démissionner l’année suivante en raison de problèmes de santé et de divers scandales politiques. Son cuisant échec électoral de 2009 avait suspendu pour un temps son ascension.
Intransigeance
Dans un pays traumatisé par la catastrophe de Fukushima et dont l’économie est en berne, Shinzo Abe veut aujourd’hui incarner l’espoir d’une nation « forte et prospère », dans laquelle les gens se sentent « heureux d’être japonais ». Farouchement nationaliste, il est obsédé par la Seconde Guerre mondiale et rêve de réhabiliter l’image du Japon, quitte à se mettre à dos la Chine et les deux Corées par des déclarations fracassantes, notamment au sujet des femmes de réconfort, ces Coréennes (et autres Asiatiques) contraintes à la prostitution par l’armée impériale. CCTV, la chaîne de télévision chinoise, n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler au lendemain de son élection qu’Abe n’est autre que le petit-fils de Nobusuke Kishi, l’ancien Premier ministre (1957-1960), qui, en 1948, fut soupçonné d’être un criminel de guerre de classe A mais ne fut jamais jugé.
Quoi qu’il en soit, son élection intervient dans un climat sino-japonais très tendu. Les deux pays s’opposent en effet à propos des îles Senkaku, qu’ils revendiquent l’un et l’autre. Or Abe est très loin de jouer l’apaisement. « La Chine conteste le fait que ces îles soient partie intégrante du territoire japonais, estime-t-il. Notre objectif est de mettre un terme à ses revendications injustifiées. » Cet homme-là est l’intransigeance même. Et le régime de Pyongyang risque d’en faire rapidement l’expérience. Le 13 décembre dernier, le Japon, incapable de déterminer à quel moment précis une fusée nord-coréenne avait survolé son territoire, s’est ridiculisé. Or, en 2006, dans des circonstances similaires, Shinzo Abe avait surpris la communauté internationale en étudiant très sérieusement l’éventualité d’une attaque contre la Corée du Nord…
Déflation
Mais d’autres dossiers vont rapidement monopoliser l’attention du nouveau Premier ministre : le nucléaire, dont il est un ardent défenseur, et surtout l’économie. En dépit d’un endettement colossal équivalent à 236 % du PIB, Abe s’est engagé à remettre la troisième puissance mondiale sur les rails de la croissance. L’un de ses premiers objectifs, a-t-il promis, sera d’affaiblir le yen afin de mieux combattre ce fléau national que constitue la déflation. C’est sur ce point que les Japonais le jugeront. « Depuis six ans, nous avons un nouveau Premier ministre chaque année. Si la tendance perdure, Abe devra lui aussi bientôt céder la place », entend-on déjà dans les rues de Tokyo. Ce qui ne témoigne pas d’un grand optimisme.
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