Palestine : la colonie de trop
En représailles à l’admission de la Palestine à l’ONU comme État observateur non membre, Tel-Aviv lance un projet qui rendra impossible le rattachement de Jérusalem-Est au futur État palestinien.
Ce n’est pas un retour de bâton, mais presque. La coalition d’ultradroite de Benyamin Netanyahou, dont les jours sont potentiellement comptés – les législatives israéliennes se dérouleront le 22 janvier – exaspère de plus en plus la communauté internationale. Au lendemain du vote accordant à la Palestine le statut d’État observateur non membre à l’ONU, les responsables israéliens ont voulu signifier à leur voisin qu’en matière d’action unilatérale eux non plus ne manquaient pas de ressources. Le 30 novembre, le bureau du Premier ministre a donné son feu vert à la construction de 3 000 logements dans la « zone E-1 » (E pour Est), une bande de terre de 12 km2 qui s’étend de l’est de Jérusalem à la colonie de Maale Adumim. Avec ses 40 000 habitants, c’est l’implantation juive la plus importante de Cisjordanie, au point qu’elle dispose du statut de ville depuis 1992. À terme, 15 000 Israéliens pourraient s’installer à E-1.
Vives réactions
Un tel projet, s’il était mené à bien, réduirait considérablement la viabilité du futur État palestinien. La Cisjordanie se retrouverait presque privée de continuité territoriale, coupée en deux entre ses parties Nord et Sud. Pis, il empêcherait le rattachement de la Cisjordanie à Jérusalem-Est, où résident quelque 270 000 Palestiniens. Les réactions ont été immédiates, sauf que, cette fois, la communauté internationale, outrée, ne s’est pas contentée de condamnations de principe. À Paris, Londres et Stockholm, les ambassadeurs israéliens ont été sommés de s’expliquer sur-le-champ. Malgré les démentis officiels, la France aurait sérieusement envisagé le rappel de son ambassadeur à Tel-Aviv, tandis que la Grande-Bretagne aurait évoqué une rupture de ses relations commerciales avec l’État hébreu. « Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’enthousiasme au sein de l’Union européenne à l’idée d’adopter des sanctions économiques en Europe contre Israël », a toutefois tempéré William Hague, secrétaire britannique au Foreign Office.
La France aurait sérieusement envisagé le rappel de son ambassadeur à Tel-Aviv.
À l’Élysée, François Hollande a confirmé cette tendance, affirmant même ne pas vouloir entrer dans une « logique de sanctions ». Mais le sursis dont bénéficie le gouvernement israélien dépendra surtout de son attitude à venir. « S’il y a un passage à l’acte, si des bulldozers sont envoyés à E-1, alors nous réagirons. Des mesures sont à l’étude », indique une source diplomatique européenne de haut rang, à Jérusalem. L’État hébreu a d’autant plus raison de craindre cette épée de Damoclès que ses alliés traditionnels, à l’instar des États-Unis, paraissent de moins en moins enclins à la retenir. Même l’Allemagne se désolidarise ouvertement de la politique de colonisation israélienne. « Nous sommes d’accord pour dire que nous ne sommes pas d’accord », a résumé Angela Merkel, à l’issue de sa rencontre avec Benyamin Netanyahou, le 6 décembre, à Berlin.
Recours en justice
Rien n’indique que cet avertissement sans frais ait été pris au sérieux par le chef de file du Likoud. L’administration civile israélienne vient en effet d’approuver les plans de travaux dans le secteur E-1. Techniquement, cette procédure donne deux mois aux Palestiniens pour lancer un recours en justice susceptible de repousser de plusieurs années toute construction. Reste que, du point de vue israélien, ce territoire s’apparente à une zone stratégique non négociable. Pour les autorités de Tel-Aviv, la politique de construction d’implantations entre dans le cadre de la défense des intérêts du pays. Il y aurait même un consensus national sur Jérusalem, Maale Adumim et le Goush Etzion, des grands blocs de colonies que l’État hébreu pourrait conserver dans le cadre d’un accord avec les Palestiniens. Véritable poison du processus de paix depuis l’époque où Itzhak Rabin l’a pris en charge, le dossier E-1 promet d’autres surprises. Le président palestinien Mahmoud Abbas, qui en fait une « ligne rouge », se dit prêt à saisir la Cour internationale de justice (CIJ).
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