Tunisie : législatives, mode d’emploi

Le 17 décembre 2022 se tiendront les premières élections législatives depuis l’arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed. Mais avec la nouvelle loi électorale, les règles ont totalement changé, au point qu’il a fallu repousser la date limite de dépôt des candidatures.

L’Assemblée des représentants du peuple, dissoute le 31 mars 2022 par le président Kaïs Saïed. © Yassine Gaidi / Anadolu Agency via AFP

Publié le 25 octobre 2022 Lecture : 3 minutes.

À sept semaines des élections législatives anticipées du 17 décembre 2022, la mise en œuvre de la nouvelle loi électorale adoptée le 15 septembre est pour le moins laborieuse, si bien que les autorités ont dû donner un peu de temps supplémentaire aux candidats pour accomplir les démarches nécessaires. Décryptage point par point des modalités d’un scrutin au fonctionnement complexe.

À nouvelle loi, nouveau système

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La Constitution adoptée en août 2022 met fin au régime semi-parlementaire en vigueur depuis 2014. Elle traduit la volonté de Kaïs Saïed d’écarter les corps intermédiaires afin d’être lui-même en prise directe avec le peuple. La loi électorale du 15 septembre 2022 confirme cette tendance avec un scrutin uninominal qui écarte les partis.

Qui peut être candidat ?

Outre les pré-requis classiques (avoir au minimum 23 ans, être tunisien, avoir un casier judiciaire vierge et résider dans la circonscription), le candidat doit produire un programme électoral et 400 parrainages, dûment légalisés. Sont exclus de la course, jusqu’à un an après la fin de leur mission : les membres du gouvernement, les chefs de cabinets ministériels, les magistrats, les gouverneurs, les chefs de missions diplomatiques et consulaires, les premiers délégués, les secrétaires généraux des gouvernorats, les imams, les délégués, les présidents des structures et associations sportives.

Déjà des dérapages

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La loi électorale n’interdit pas aux maires de se porter candidats aux législatives. Cet oubli a provoqué des dépassements : certains candidats, dont des présidents de municipalité, ont usé de leur influence ou tenté d’obtenir des parrainages contre rétribution. Une pratique dénoncée par plusieurs témoignages, ce qui a conduit le président à annoncer un amendement de la loi. Lequel n’a finalement pas vu le jour.

Les partis hors jeu

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La plupart des partis boycottent ce scrutin – hormis Al-Chaab, le Mouvement des patriotes démocrates et le Mouvement du 25-Juillet. Leur nom ne peut donc apparaître sur les documents de campagne, et il leur est interdit de financer directement la campagne de candidats, même s’ils peuvent, selon l’Instance indépendante supérieure pour les élections (Isie), leur apporter leur soutien (sans aucun affichage d’une appartenance partisane).

Les candidats devront alors faire campagne à titre individuel. Ceux issus de partis qui ne boycottent pas les élections pourront, à l’inverse, mentionner le nom du mouvement et son programme durant la campagne électorale. En termes de répartition de temps de parole, le clivage entre « partisans » et « non partisans » risque d’ajouter à la confusion générale.

Trois votes en 2022

Déjà invités à deux reprises à se prononcer sur un projet de nouvelle gouvernance du pays – en début d’année avec la consultation nationale, puis le 25 juillet avec le référendum sur la Constitution –, les Tunisiens ne semblent pas pressés de se rendre une troisième fois aux urnes.

Ils sont las, préoccupés par la situation économique du pays et estiment que leurs décisions, exprimées par les deux précédents votes, n’ont pas été réellement prises en compte dans l’organisation du pouvoir, notamment pour ce qui est de la réforme constitutionnelle, qu’ils n’appelaient pas vraiment de leurs vœux.

Des délais rallongés

Parmi les indices de la démobilisation de l’électorat : très peu de changements de bureau de vote ont été enregistrés. L’Isie a tenté de palier le problème en prolongeant les délais jusqu’au 25 novembre, soit le début officiel de la campagne électorale. Le dépôt des candidatures a d’ailleurs connu le même sort : sa date limite, fixée initialement au 24 octobre, a été repoussée au 27 du même mois. Une manière de permettre à ceux qui ont présenté des dossiers incomplets d’y remédier. Au 24 octobre, sur 891 dossiers examinés, 291 n’avaient pas les 400 parrainages nécessaires, pour un total de 1 249 candidatures déposées. Pour mémoire, 15 000 candidats avaient postulé aux législatives de 2019.

En cause également un nombre de candidats insuffisant pour une réelle joute électorale et une représentativité de la diversité des Tunisiens. Le principe de parité, en particulier, est loin d’être respecté, puisque sur 1 068 candidats, on ne recense que 181 femmes.

Calendrier

Du 17 au 27 octobre : dépôt des candidatures
1er novembre : annonce des candidatures avalisées par l’Isie
9 novembre : date limite des retraits de candidature
21 novembre : liste définitive des candidats après épuisement des recours
Du 25 novembre au 15 décembre (au 13 décembre à l’étranger) : campagne électorale
Du 16 décembre à 00h00 – du 14 décembre à 00h00 pour l’étranger – jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote : silence électoral
17 décembre : vote pour les circonscriptions nationales
15, 16 et 17 décembre : vote pour les circonscriptions à l’étranger
20 décembre : proclamation des résultats préliminaires
19 janvier 2023 : délai maximal pour la proclamation des résultats définitifs

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