Quand la NBA jouait au côté de Martin Luther King contre le racisme

Dans « Le Match pour l’égalité », Frédéric Lesmayoux et Antoine Bancharel reviennent sur les liens entre la puissante ligue de basket américaine et le combat du pasteur pour les droits civiques.

Bradley Beal, des Washington Wizards, lors du Juneteenth, la commémoration de la fin de l’esclavage, devant le mémorial Martin Luther King Jr. à Washington, DC, le 19 juin 2020. © Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Alexis Billebault

Publié le 18 novembre 2022 Lecture : 4 minutes.

La nouvelle de l’assassinat de Martin Luther King, mort sous les balles de James Earl Ray, un ségrégationniste blanc, le 4 avril 1968, ne s’est pas encore propagée sur tout le territoire américain quand Robert F. Kennedy, candidat à l’élection présidentielle, s’apprête à prendre la parole lors d’un meeting à Indianapolis, dans un quartier pauvre et majoritairement africain-américain. Une foule nombreuse s’est rendue sur place pour écouter le sénateur. Depuis l’arrière d’un camion, le candidat démocrate annonce le décès du pasteur baptiste. Les gens se mettent alors à crier, hurler, pleurer.

Au même moment, Bill Russel, l’entraîneur-joueur des Celtics de Boston, qui connaissait personnellement Martin Luther King (MLK), apprend la nouvelle. Il est sous le choc. Son club fut le premier à aligner simultanément cinq joueurs africains-américains de basket lors d’un match de NBA, mais aussi à le nommer coach, lui qui est également africain-américain. Le lendemain de l’assassinat, son équipe doit disputer la finale de la Conférence Est face aux Sixters de Philadelphie. Beaucoup imaginent que le match sera reporté, estimant impossible, voire inconcevable, que la NBA, une ligue majoritairement noire, puisse le maintenir. Les deux équipes comptent alors treize joueurs noirs au total (sur vingt), et tous proposent dans un premier temps que la rencontre soit remise, pour ne pas empiéter sur l’organisation des obsèques de MLK.

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Earl Lloyd, un pionnier à la NBA

Mais la National Basket Association (NBA) décide finalement de maintenir la finale, ce qui n’étonne nullement de nombreux partisans de King. « Beaucoup le considéraient comme un ennemi, aux États-Unis », dira plus tard Oscar Roberston, l’un des meilleurs joueurs des Celtics. Quatre mois après la mort du docteur, 27 joueurs organisent ainsi un match commémoratif en son honneur dans le quartier du Queens à New York, devant 7 500 spectateurs, levant au passage 85 000 dollars qui seront reversés à son mouvement.

Aujourd’hui, près de 75 % des joueurs évoluant en NBA sont africains-américains

Des années plus tôt, alors que Martin Luther King, né en 1929 à Atlanta, n’avait pas encore fait parler de lui (il sera choisi en décembre 1955 pour présider l’Association pour le progrès à Montgomery), Earl Lloyd devient, le 31 octobre 1950, le premier joueur noir à participer à un match de NBA – ligue alors réservée aux hommes blancs –, avec l’équipe des Washington Capitols. Ce qui fera de lui l’un des pionniers de la lutte contre la ségrégation raciale. Aujourd’hui, près de 75 % des joueurs évoluant en NBA sont africains-américains.

Entre Martin Luther King et le monde du basket, les liens étaient forts. Les joueurs noirs soutenaient le combat du pasteur pour les droits civiques, même si tous, sans doute pour éviter de possibles ennuis, ne l’affirmaient pas ouvertement. D’autres avaient fait le choix de participer à des actions organisées par MLK, comme la « marche sur Washington », le 28 août 1963. Bill Russel, qui le connaissait personnellement, était au premier rang ce fameux jour où King prononça son célèbre discours, « I have a dream ».

Kareem Abdul-Jabbar rallié à la cause

Une autre star de la NBA, Kareem Abdul-Jabbar, né à Harlem, où les idées de Malcolm X étaient majoritaires, assista à une conférence de presse de Martin Luther King à New York, en 1964. À partir de cette date, lui qui était déjà l’un des meilleurs sportifs de sa catégorie d’âge (il avait 17 ans) devint chaque jour un peu plus militant, s’impliquant dans le mouvement du pasteur, tout en poursuivant son parcours de basketteur dans le prestigieux championnat universitaire.

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Kareem Abdul-Jabbar, devenu membre de la Negro Industrial Economic Union, une société pour l’émancipation des Noirs fondée par Jim Brown, un joueur de football américain des Cleveland Browns, n’hésitera plus à prendre la parole en public pour s’opposer au racisme, profitant de son statut de star pour s’exprimer sur le sujet.

Porte-voix de Black Lives Matter

En 1984, l’arrivée de David Stern à la présidence de la NBA a modifié en profondeur l’image de l’instance. Depuis 1986, alors même que Ronald Reagan, le président américain, s’était opposé à cette initiative, se déroule invariablement le MLK Day, le troisième lundi du mois de janvier. La NBA participe très activement à cette commémoration en tant que ligue, multipliant les initiatives lors de cette journée. Son objectif est non seulement d’honorer la mémoire de King, mais aussi d’organiser des événements autour des principales thèses de son combat. Des actions individuelles et collectives sont menées, plusieurs équipes portent à l’échauffement d’avant-match des maillots floqués du célèbre « I Have a dream ».

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Depuis la mort de George Floyd en mai 2020, tué par un policier, la NBA s’est même fixé comme mission de devenir l’un des porte-voix du mouvement Black Lives Matter. Même si le MLK Day demeure un objet de controverse aux États-Unis, il est très majoritairement soutenu par les joueurs, noirs et blancs, ainsi que par les entraîneurs.

Michael Jordan, l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket mondial, n’a jamais été un activiste, mais il a tout de même décidé de verser 100 millions de dollars à la lutte contre les inégalités entre 2020 et 2030. La Fondation NBA a quant à elle choisi de consacrer 300 millions de dollars sur la même période à l’émancipation économique des Noirs.

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