Maroc-Algérie : Sahara, une obsession algérienne
Le Conseil de sécurité de l’ONU a consacré plusieurs réunions ce mois-ci à la question du Sahara. Une question qu’Alger entretient à dessein pour ne pas avoir à rendre compte au peuple algérien du désastre qu’aura été sa politique en ce domaine.
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Rachid Lazrak
Professeur émérite de droit international à Casablanca
Publié le 28 octobre 2022 Lecture : 5 minutes.
Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’adopter, ce 27 octobre, une nouvelle résolution demandant notamment à Alger de clarifier ses positions sur la question du Sahara, des personnes issues d’horizons divers s’interrogent sur les véritables raisons qui poussent le gouvernement algérien à s’y intéresser autant, et cela depuis près de cinquante ans. Des réponses ont été données, toutes aussi peu convaincantes les unes que les autres, car l’implication de l’Algérie dans ce dossier dépasse toute logique.
La dernière réponse est celle fournie le 24 septembre par le président Abdelmadjid Tebboune devant les gouverneurs de son pays. Pour lui, l’Algérie n’a aucune prétention sur ce territoire, le soutien qu’elle apporte au « peuple du Sahara » est « une question de principe ». Il ajoute qu’il s’agit d’une affaire de « décolonisation », laquelle relève précisément de la commission des Nations unies du même nom. La déclaration de M. Tebboune appelle des clarifications.
Une « position de principe » peu défendable
La « position de principe » du gouvernement algérien aurait pu être acceptée. Sauf que les dégâts provoqués par l’attitude algérienne sont si importants qu’ils ne peuvent être justifiés par des positions de principe. L’ensemble de la communauté internationale est témoin des agissements de l’Algérie dans l’affaire du Sahara. Sans l’Algérie, elle n’existerait même pas. La position de principe ne peut expliquer le soutien diplomatique, financier et militaire apporté par Alger au Polisario au détriment des intérêts vitaux du peuple algérien. Pas moins de 500 milliards de dollars ont été dépensés pour soutenir le Polisario.
Sur le plan diplomatique, beaucoup s’agacent des agissements de l’Algérie, qui soulève la question du Sahara lors de toutes les réunions bilatérales ou multilatérales. Sur le plan militaire, elle a créé une atmosphère de guerre avec une course effrénée à l’armement. À cela s’ajoute l’aspect humain, des milliers de personnes, souvent d’origine sahraouie, sont littéralement séquestrées à Tindouf, dans le Sud algérien. Elles ont interdiction de le quitter sans l’accord des dirigeants du Polisario, auxquels le gouvernement algérien a délégué ses pouvoirs régaliens. Ce qui constitue un précédent. Tout cela au moment où l’Algérie déclare ne pas être concernée par l’affaire du Sahara.
Tergiversations espagnoles
En affirmant qu’il s’agit d’une affaire de « décolonisation », le président Tebboune crée un amalgame entre le statut du territoire quand il était occupé par l’Espagne et son statut actuel. Déjà, dès son accession à l’indépendance, le Maroc a soulevé la question du rattachement du territoire de « Rio de Oro » (ancienne dénomination du Sahara occidental). En 1960, il avait protesté contre l’inscription du Sahara sur la liste des territoires non autonomes, estimant que ce territoire relève de sa souveraineté, au même titre que les territoires de Tarfaya, d’Ifni et des présides. Le 16 décembre 1965, l’Assemblée générale des Nations unies, faisant écho aux demandes marocaines, a adopté la résolution n° 2072 (XX) où elle demande au gouvernement espagnol de prendre d’urgence des mesures pour libérer les territoires d’Ifni et du Sahara, et à ce titre « entamer des pourparlers relatifs à la souveraineté que posent ces régions ».
En assimilant le territoire du Sahara à celui d’Ifni (récupéré d’ailleurs par le Maroc en 1969), les Nations unies ont reconnu, de façon claire et non équivoque, la souveraineté du Maroc sur le Sahara. En 1965, il n’y avait ni Polisario ni RASD. Devant les tergiversations espagnoles et les intrigues algériennes, le Maroc a demandé, par le biais de l’Assemblée générale, un avis consultatif à la Cour internationale de justice (CIJ).
J’ai assisté aux travaux de la CIJ. Durant les audiences, le représentant algérien, M. Bedjaoui, a défendu l’occupation espagnole et s’est présenté comme l’ennemi de l’intégrité territoriale du Maroc. L’avis de la CIJ a été clair : le territoire du Sahara n’était pas une terra nullius au moment de son occupation par l’Espagne. Il y avait des liens d’allégeance entre les rois du Maroc et les populations de ce territoire. Fort de cet avis, le Maroc a organisé la Marche verte et signé avec l’Espagne, le 14 novembre 1975, l’accord de Madrid, qui prend acte de la récupération du Sahara par le Maroc.
L’affaire aurait pu s’arrêter là sans l’intervention de l’Algérie, qui a créé le Polisario et la RASD. Depuis 1975, l’affaire du Sahara est devenue l’otage du gouvernement algérien, qui essaie de créer la confusion entre le droit à l’autodétermination et le moyen d’exercer ce droit par voie de référendum. Le problème est que l’Algérie se trouve empêtrée dans une grande contradiction : comment demander l’organisation d’un référendum alors qu’elle a préjugé de son résultat en créant un État, avec un drapeau, un gouvernement, un hymne… ?
Du référendum à la solution politique
Cela dit, de 1997 à 2007, les Nations unies ont bien tenté d’organiser ce référendum. En vain, aucune opération de recensement préalable n’ayant été organisée afin d’identifier les potentiels votants. C’est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité, seul organe en charge de ce dossier, a décidé d’abandonner le référendum pour s’orienter vers une « solution politique, réaliste, pragmatique, durable et basée sur le compromis ». Il s’est félicité, de 2007 à 2021, de la proposition d’autonomie proposée par le Maroc, en louant ses « efforts sérieux et crédibles pour aller de l’avant vers un règlement ».
En proposant un plan d’autonomie, le Maroc n’a fait que se conformer à la résolution 742 (VIII) du 27 novembre 1972, dans laquelle l’Assemblée générale considère l’autonomie accordée à un territoire comme une solution valable. Défendre un principe au Sahara – car il s’agirait d’une affaire de décolonisation –, c’est vouloir faire perdurer un problème qui n’en est pas un afin de ne pas avoir à rendre compte au peuple algérien du désastre qu’aura été la politique mise en œuvre par les gouvernements successifs au détriment des intérêts vitaux du peuple algérien et de ceux de toute la région. Dans son dernier rapport au Conseil de sécurité, le secrétaire général affirme qu’une solution politique à la question du Sahara est possible, sous réserve que « toutes les parties concernées se mobilisent de bonne foi ». Ce qui n’est, malheureusement, pas le cas aujourd’hui.
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