Maroc-Espagne : dans le Rif, sur les traces des bébés volés du franquisme
Révélé il y a une dizaine d’années, le scandale des bébés volés sous le régime de Franco avait bouleversé la société espagnole. Aujourd’hui, des voix s’élèvent au Maroc pour rappeler que cet odieux trafic a aussi arraché des nouveaux-nés à leurs mères marocaines.
Au mois de février 2011, à 30 ans, Maria José a découvert que toute sa vie était bâtie sur un mensonge. Elle se pensait espagnole, née à Valence, en 1980. Ses parents l’avaient en réalité achetée à Melilla – une enclave espagnole en territoire marocain – contre 200 000 pesetas (1 200 euros). Rongés par la culpabilité, ces derniers ont fini par lui avouer, après plus de 30 ans, qu’elle avait été adoptée illégalement, arrachée à une mère biologique marocaine. Ils lui ont raconté comment ils l’avaient récupérée dans un bar miteux de la ville alors qu’elle n’était qu’un nouveau-né, encore recouverte de traces de sang et négligemment enroulée dans un drap.
Maria José n’est pas la seule à être tombée de haut. Cette année-là, en 2011, l’Espagne est secouée par une véritable affaire d’État, celles des « enfants volés du franquisme ». Entre le début des années 1940 et les années 1980, dans le pays, des milliers de bébés (peut-être même des centaines de milliers) auraient été déclarés mort-nés, arrachés à des familles républicaines pour être placés au sein de familles franquistes, avec la complicité de l’Église catholique.
Le dernier tabou du franquisme
Jusqu’aux années 2000, cette terrible histoire était restée l’un des derniers grands tabous de l’ère du dictateur Francisco Franco, qui a dirigé le pays de 1936 jusqu’à sa mort, le 20 novembre 1975. Dès les années 1980, plusieurs journalistes espagnols avaient commencé à enquêter sur le sujet et, en 1990, une certaine Francisca Pinto, persuadée que son enfant lui avait été volé dans les années 1970, avait porté l’affaire devant un tribunal d’Andalousie. Mais sa plainte sera classée sans suite, comme beaucoup d’autres après elle. Un premier documentaire sur le sujet, intitulé Les enfants perdus du franquisme, a été diffusé à la télévision en 2004, ce qui a libéré la parole des victimes. Sans que la justice se montre pour autant disposée à l’entendre.
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