Afrique du Sud : Cyril Ramaphosa ou la fringale du pouvoir
En retrait de la scène politique sud-africaine depuis quinze ans, l’ancien leader syndical devenu un richissime businessman a été élu vice-président de l’ANC. Et vise déjà beaucoup, beaucoup plus haut.
Nelson Mandela vivra-t-il assez longtemps pour assister à l’élection de son poulain à la tête de l’État sud-africain ? La santé fragile du père de la nation permet malheureusement d’en douter, mais Madiba aura au moins eu la satisfaction de voir, depuis son lit d’hôpital, Cyril Ramaphosa franchir une étape décisive. Le 18 décembre, lors de la conférence du Congrès national africain (ANC), l’homme d’affaires multimillionnaire a été élu vice-président du parti, avec 75 % des voix. Ce qui lui ouvre de belles perspectives : la vice-présidence du pays en 2014, puis, pourquoi pas, la magistrature suprême.
Figure de la lutte contre l’apartheid et acteur essentiel de la transition démocratique, Cyril Ramaphosa avait officiellement disparu de la scène politique depuis qu’il s’était lancé dans les affaires, il y a quinze ans. Bien que son retour ait été régulièrement annoncé dans la presse, il a toujours nié nourrir cette ambition… jusqu’à la campagne pour la vice-présidence du parti, quand il a acquis la certitude que son heure était arrivée. Selon ses amis, il ne se lance jamais dans un combat dont la victoire n’est pas assurée.
Épargné par les guerres fratricides et les scandales de corruption qui ébranlent l’ANC depuis plusieurs années, adoubé par le Parti communiste, les syndicats et Jacob Zuma lui-même (qui a été reconduit à la tête du parti le même jour), Ramaphosa offre au chef de l’État l’occasion de redorer son blason. Car « Cyril », même s’il fait partie d’une riche élite, est resté populaire. Les Sud-Africains aiment cet homme dont le parcours épouse tous les contours et paradoxes de la nation Arc-en-Ciel : pauvre et riche, socialiste et libérale, tenant miraculeusement debout malgré les faux pas.
Business
Né dans le bidonville de Soweto en 1952, Ramaphosa obtient un diplôme d’avocat et s’engage dans le syndicalisme. En 1987, il met 300 000 ouvriers dans la rue, fait trembler le régime de l’apartheid et se forge une réputation de négociateur hors pair. La route est tracée pour celui qui fera partie du très sélect comité d’accueil de Nelson Mandela à sa sortie de prison, en 1990. L’année suivante, à 38 ans, il est élu secrétaire général de l’ANC et mène les négociations avec le régime. Il devient président de l’Assemblée constituante, mais, une fois la Constitution adoptée en 1996, le tribun quitte l’arène. Il a été désavoué par les caciques de l’ANC, qui lui préfèrent Thabo Mbeki pour succéder à Mandela.
La politique le lâche. Soit. Il reste, dans ce pays qui renaît, une page à écrire dans le business. Un succès fulgurant attend Ramaphosa. En 1997, il est l’un des premiers à profiter de la politique de discrimination positive et possède, une dizaine d’années plus tard, une fortune de 675 millions de dollars (521 millions d’euros), selon le magazine américain Forbes. Shanduka, son fonds d’investissement, est présent dans les mines, l’immobilier, les médias, les télécoms, les boissons… À plusieurs reprises, son insolente prospérité le met en porte-à-faux avec son image de pourfendeur des inégalités. En août dernier, quand le pays s’indigne de la mort de 34 mineurs grévistes, tués par la police, Ramaphosa est du mauvais côté de la barrière. Il est l’un des administrateurs de Lonmin, à qui appartient le site de Marikana, et dénonce les actions des mineurs. Il s’en excusera publiquement.
Un mea-culpa qui semble avoir satisfait les délégués de l’ANC. L’amateur de bons vins et de voitures de course possède, malgré tout, de solides atouts pour faire rêver les Sud-Africains. Pour le tycoon, l’heure de la revanche a sonné.
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