En France, le mystère des crânes algériens fissure le camp d’Emmanuel Macron

En 2020, Paris remettait à Alger vingt-quatre crânes appartenant à de présumés combattants algériens tués durant la conquête coloniale. Mais, à suite d’une enquête du « New York Times », cette version est mise à mal, suscitant malaise et division chez les parlementaires de la mouvance présidentielle.

 © Damien Glez

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Publié le 28 octobre 2022 Lecture : 2 minutes.

Pour « la France de papa », tout était plus simple quand il y avait des soldats inconnus, comme ceux qui reposent sous l’Arc de triomphe, quand les urgences diplomatiques n’en étaient pas vraiment, et quand les majorités politiques obéissaient à l’Élysée le doigt sur la couture du pantalon. Ce 26 octobre, une sénatrice (centriste) a jeté un crâne dans la mare en s’adressant à Rima Abdul-Malak, la ministre française de la Culture. Le sujet ? Les conditions de la remise de certains ossements à l’Algérie, il y a deux ans…

En juillet 2020, l’État français remettait en effet à Alger vingt-quatre crânes, présentés comme des restes de combattants algériens tués durant la conquête coloniale. Conservés dans les collections du Musée de l’homme, à Paris, ils avaient été soumis, en 2018, ainsi que quarante-cinq autres crânes, à un comité scientifique franco-algérien pour identification. Ce travail de catharsis censé solder les comptes du passé, s’inscrit dans le cadre de la politique du président Macron, qui, avec sa Première ministre Élisabeth Borne, a récemment eu de nouveaux élans d’affection à l’égard de l’Algérie. La France, d’ailleurs, s’apprêtait le 21 octobre à remettre deux autres crânes aux autorités algériennes.

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Entre le marteau et l’enclume

C’était sans compter sur une enquête du New York Times… Selon le quotidien américain, seulement six des crânes déjà restitués auraient été clairement identifiés comme étant ceux de résistants algériens. Certains n’auraient pas de lien avec les dépouilles desdits héros. D’autres auraient des origines incertaines.

Ce mercredi 26 octobre, lors de la séance hebdomadaire des questions d’actualité au Sénat français, la parlementaire Catherine Morin-Desailly (membre de l’Union centriste, elle-même proche du régime actuel, minoritaire à la chambre haute) a donc demandé au gouvernement pourquoi la mission du comité d’experts franco-algérien semblait avoir été « écourtée » et était soumise « à la plus stricte confidentialité ». L’élue a rappelé les réserves émises par cette commission, réunie un mois avant le rapatriement des crânes : dicté par « l’urgence diplomatique », le « caractère précipité et autoritaire de l’opération » aurait interrompu le travail de mémoire.

Prise entre le marteau (de la sénatrice) et l’enclume (de la presse), la ministre de la Culture a tout à la fois loué la rigueur du comité mixte de 2018 et salué les réserves qu’il avait exprimées : rigueur dans le travail d’identification et précaution dans les formulations telles que « restes humains présumés algériens ». Les joutes de ce mercredi démontrent que la question des restitutions est encore sensible, surtout lorsqu’il s’agit de restes humains. Elles trahissent également l’orgueil d’une parlementaire qui considère que les procédures de remise de « biens culturels inaliénables » ne retiennent pas toujours le principe d’un « acte législatif de restitution ». Vexée, la sénatrice ?

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