Mali : le bambara en étendard ?

En plein débat sur l’avant-projet de nouvelle Constitution malienne, la revalorisation des langues nationales pourrait conduire à la reconnaissance du bamanankan comme langue officielle.

© Damien Glez

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Publié le 29 octobre 2022 Lecture : 2 minutes.

Le 24 octobre dernier, arrivé à Moscou en brandissant son passeport béninois – comprendre « pas son passeport français » – l’activiste Kemi Seba tirait à boulets rouges sur l’élite française, sur la Françafrique et sur le franc CFA, le tout en… langue française. Certes, la francophonie est de moins en moins hexagonale et l’écrivain algérien Kateb Yacine invitait les anciens colonisés à se saisir du français comme d’un « butin de guerre » ; mais les pourfendeurs maliens de la politique française en Afrique semblent décidés à pousser le bouchon de la cohérence un peu plus loin…

Modifier une Constitution jusque-là largement calquée sur celle de la Ve République française fait partie de cette cohérence des nouvelles autorités, tout comme interroger la place des langues nationales dans la vie du pays. Le français y est la langue officielle utilisée par l’Etat, les services publics et bon nombre d’enseignants. Faut-il accorder au bamanankan un statut identique ? L’article 31 de l’avant-projet de nouvelle Constitution n’écarte pas cette hypothèse, et l’envisage à terme pour toute langue « patrimoniale » du pays. Est-ce si simple ?

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Des langues « compétitives » ?

Primo, si quelques pays africains indépendants ont conservé le vocabulaire et la grammaire de l’ancien colon comme langue officielle, c’est d’abord par souci d’uniformisation, voire de cohésion sociale, sur des territoires aux parlers divers. Si seul le bambara devait être promu au rang « officiel », faudrait-il brandir des statistiques de linguistes – 70 à 80 % de la population utiliseraient cette langue – pour justifier la mesure aux locuteurs du senoufo, du fulfulde, du soninké, du bozo, du tamasheq ou encore du songhaï ?

Il faudra poser les jalons d’une transition progressive

Secundo, comment gérer le tremblement de terre que représenterait, au niveau de l’éducation, un éventuel statut de langue officielle exclusif du bambara ? Quid du renouvellement de tant de manuels scolaires et autres supports ? Quid des projets d’uniformisation des examens au niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) ? Quid de la compétitivité des diplômés au-delà de l’Afrique ? Certes, le français n’est que la cinquième langue la plus parlée au monde, après le mandarin, l’anglais, l’espagnol et l’arabe, et les Maliens à ambitions internationales n’ont pas attendu pour apprendre les langues jugées « compétitives ».

Au moment de l’éventuelle promotion du bamanankan comme langue officielle, il faudra donc décider si le bambara partage ce statut avec le français, d’une part, et avec d’autres langues nationales, d’autre part. Et poser les jalons d’une transition linguistique progressive. Si la situation sécuritaire le permet, un référendum devrait entériner ou non, en 2023, l’avant-projet de Constitution. Un avant-projet certainement soumis aux électeurs en une kyrielle de langues…

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