Dani Kouyaté, la constance de l’héritier

Le Burkinabè, Dani Kouyaté, réalise son troisième long-métrage sur l’un de ses thèmes favoris, la mémoire. Et par la même occasion rend hommage à son père, Sotigui Kouyaté.

Le Burkinabè, Dani Kouyaté. © Olivier Delahaye

Le Burkinabè, Dani Kouyaté. © Olivier Delahaye

Publié le 24 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

C’est un griot. Au sens noble du terme. Tout comme son père avant lui et les membres de sa nombreuse fratrie, Dani Kouyaté tient cette précieuse charge de Balla Fasséké, ancêtre illustre qui se tenait aux côtés de Soundiata Keïta, le plus grand empereur mandingue, dit-on. Cet héritage, il a choisi de l’assumer au cinéma et au théâtre. Acteur, scénariste ou encore réalisateur, Dani Kouyaté a plus d’un talent. Happé par la postproduction de son dernier long-métrage, il n’en perd pas pour autant son large sourire et ses yeux rieurs, et reste optimiste : il espère bien que son oeuvre sera présentée lors de la prochaine édition du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), fin février 2013.

Soleils est un road movie dans lequel s’enchevêtrent plusieurs histoires. « Le personnage principal, révèle l’artiste, est une jeune fille amnésique guidée par un vieillard dans un voyage initiatique traversant les époques, du XIIe au XXIe siècle. » Un vieillard qui, à l’origine, devait être interprété par son père, le magistral Sotigui Kouyaté. Écrit par son ami Olivier Delahaye, le scénario était fait à la mesure du personnage. Mais entre-temps, la mort a frappé, un triste jour d’avril 2010, « comme un coup de marteau asséné à ceux qui l’aimaient », se souvient douloureusement son fils et partenaire. « Mon père était mon complice de travail, s’exclame-t-il. Nous avons joué ensemble jusqu’à sa dernière scène, jusqu’à ce qu’il la quitte. Ma première école, c’était mon père, j’ai appris auprès de lui jusqu’à sa mort. »

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Famille

Né en 1961 à Bobo-Dioulasso, dans le sud-ouest du Burkina, Dani a été élevé dans la tradition griotique. Loin du cliché de la louange inconditionnelle, cette dernière englobe, outre la fonction, bien partielle, de généalogiste, celle du conciliateur, du conteur, du transmetteur de la loi et des valeurs. Auprès de son père donc, le fils a appris, sans négliger l’école.

Son diplôme d’études approfondies de cinéma obtenu à l’université Paris 8 Saint-Denis, Dani Kouyaté a rejoint la troupe familiale La Voix du griot, créée par Sotigui. De 1990 à 1996, il y a exercé l’art de la narration, qu’il a transmis sur le continent et en Europe. Parallèlement, il a tourné ses premiers courts métrages : Bilakoro (1989), Tobbere Kossam (« Poussière de lait », 1991), Les Larmes sacrées du crocodile (1992). Les thématiques abordées sont variées : l’enfance, la vie rurale, ou encore la question environnementale.

Combat

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Ce n’est que deux ans plus tard qu’est sorti son premier long-métrage, Keïta ! L’héritage du griot, qui lui a valu une reconnaissance dans le milieu du cinéma et de nombreuses distinctions (prix de la première oeuvre au Fespaco 1995, grand prix Cannes junior la même année). « Chaque film est un combat pour moi, et chaque sortie une victoire ! » commente le réalisateur à l’éternelle barbichette. À chaque fois, il lui faut retrouver de l’énergie pour écrire, chercher des financements, repérer des acteurs, tout en s’investissant dans le théâtre. Dernièrement, il a mis en scène Ombres d’espoir, une pièce sur l’immigration présentée lors du festival Les Récréâtrales à Ouagadougou.

« Le théâtre est une école permanente, c’est là que j’ai appris à travailler avec l’acteur », rappelle celui qui n’aime rien tant que de promener sa silhouette longiligne parmi ceux qu’il dirige et d’interagir avec eux. Mais ce qu’aimait par-dessus tout ce père de quatre enfants, c’était de travailler avec son propre père : « Il a laissé un grand vide, ça a été très dur pour moi. À défaut de sa présence, Soleils sera un hommage que je lui rends. »

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Abdel Pitroipa, envoyé spécial à Ouagadougou

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