Cinéma : Omar Sy, la nouvelle star
En pleine promotion pour son nouveau film, « De l’autre côté du périph », Omar Sy est sur tous les plateaux de télévision. Une opération de communication rondement menée en France. Mais aussi aux États-Unis, où l’acteur fait campagne pour « Intouchables » en vue des Oscars. Un film qui vient d’être nominé aux Golden Globes.
Jusqu’en 2010, il était un humoriste de talent parmi tant d’autres, popularisé par ses sketchs dans le « Service après-vente des émissions » (SAV), aux côtés de son complice Fred Testot, sur la chaîne de télévision française Canal+. Puis déferla la vague Intouchables avec près de 50 millions d’entrées à travers le monde. Le césar du meilleur acteur 2012, une première pour un comédien noir en France, vingt-cinq ans après celui du « meilleur espoir masculin » attribué à l’Ivoirien Isaach de Bankolé. La notoriété décuplée, prévisible. L’afflux de propositions, aussi. Une installation aux États-Unis « pour gérer tout cela ». Sans que cesse le tourbillon pour autant.
Si Intouchables est admis à concourir et est primé aux Oscars à Hollywood, en février prochain, l’enfant de Trappes (banlieue parisienne) devenu comédien « sans préméditation, au hasard de rencontres amicales » entrera définitivement dans la légende. Mais Omar Sy dit ne pas trop y croire : seuls cinq des soixante et onze films présélectionnés dans la catégorie « meilleur film étranger » seront dans les starting-blocks. Ce qui ne l’empêche pas de sillonner l’Amérique profonde pour le présenter et en discuter avec le public. Et la nomination d’Intouchables aux Golden Globes le 13 décembre est de bon augure.
Il est fils d’une mère mauritanienne femme de ménage et d’un père sénégalais ouvrier.
De quoi donner la grosse tête à ce fils d’une mère mauritanienne femme de ménage et d’un père sénégalais ouvrier ? Pas forcément, selon son entourage, qui assiste à son retour triomphal en France. Son entrée au musée Grévin, aux côtés de George Clooney, Charlie Chaplin ou encore Michael Jackson, n’a pas prise sur son rire homérique. La promotion pour son nouveau film, De l’autre côté du périph, non plus. À l’instar de son « frère » Jamel Debbouze, qui lui a mis le pied à l’étrier, Omar Sy a rejoint la petite caste d’acteurs de l’immigration qui continuent d’enchanter les publics des quartiers dont ils sont issus, mais parviennent aussi à établir un pont entre plusieurs types de publics. Il séduit la France des centres-villes comme celle des régions, celle des classes populaires comme celle des couches les plus huppées. Dans SAV, quand Omar imite l’accent africain, il fait rire à la fois les personnes originaires du continent et le public blanc, contrairement à un Michel Leeb, dont l’humour a pu être perçu comme teinté de préjugés.
Los Angeles
En allant aux États-Unis, même s’il ne l’avoue pas ouvertement, Omar Sy a cherché à se doter d’une stature de star internationale. Il a en effet pris de la valeur, et la production a dressé des remparts autour de lui. N’a-t-il pas tourné dans une publicité pour le nouvel opus de Call of Duty, Black Ops 2 (l’un des jeux vidéos les plus populaires de la planète), aux côtés de Robert Downey Jr. (Iron Man) et Zach Galifianakis (le barbu de Very Bad Trip), sous la direction de Guy Ritchie, ex-Mr Madonna et réalisateur à succès (Snatch, les Sherlock Holmes) ? Pour certains médias, l’approcher relève désormais de la gageure – malgré nos demandes, la production n’a pas souhaité que nous puissions interviewer l’acteur.
Et lui, dans une rhétorique trop bien huilée, détaille à l’envi son quotidien à Los Angeles : il croise régulièrement de grands acteurs hollywoodiens, a engagé un agent américain, rend visite à Johnny Halliday, consacre du temps à sa famille (son épouse, Hélène, avec qui il est en couple depuis l’âge de 20 ans, et leurs quatre enfants). Une vie de star normale pour la désormais deuxième personnalité préférée des Français – après Yannick Noah -, qui ne veut pas être considérée comme le Noir à la mode. Ni devenir un porte-étendard pour la diversité, lui qui proclame son attachement à ses racines africaines, rappelle ses séjours réguliers à Keur Massar, dans la banlieue de Dakar, auprès de sa famille.
Sy convenu
L’argument du film de David Charhon De l’autre côté du périph (en salle le 19 décembre) est un classique des comédies : deux personnages aussi différents que possible sont obligés pour un temps de se fréquenter et d’agir ensemble, et cela fait des étincelles. Les deux personnages, ici, sont deux policiers, condamnés à enquêter ensemble après un crime sur un gang de dangereux malfrats. Le premier est un jeune homme très bon genre, un ambitieux vaniteux qui opère habituellement au milieu du beau linge parisien. Le second est un jeune inspecteur de banlieue, un enfant de Bobigny un tantinet parano et rigide mais plein d’humour. Grâce en particulier à Omar Sy, qui ne s’économise pas, c’est souvent efficace, malgré des gags convenus et des situations très téléphonées. Une comédie promise à un succès public mais qui ne fera pas date. Renaud de Rochebrune.
Stéréotypes
Omar Sy affirme aimer les rôles qui le plongent dans des univers distincts du sien, l’aident à trouver chez l’autre la différence dont il s’enrichit. Si pour François Cluzet, son partenaire dans Intouchables, Omar Sy dégage une « légèreté empreinte de profondeur », pour ses détracteurs, il alimente les stéréotypes que véhicule le cinéma (un Noir plein d’humour, danseur et dragueur…). Spécialiste de la diversité culturelle, l’historien François Durpaire le défend. Pour lui, Intouchables ne véhicule pas plus de clichés que Le Flic de Beverly Hills ou Un prince à New York, avec Eddy Murphy. « C’est déjà une avancée que le cinéma français ose des productions à l’image de la société, plutôt que de se laisser brider par la peur de mal faire, au risque de reproduire à l’infini les images d’une France monochrome qui n’existe pas. »
En clair, mieux vaut avoir un acteur issu de la diversité dans un film au scénario qui peut prêter à controverse plutôt qu’un cinéma français exclusivement blanc. Omar Sy adhère. Déjà présent dans une vingtaine de films, il rêve d’un monde où être un acteur noir sera aussi banal que d’être un acteur moustachu. Pour cela, sans doute devra-t-il mouiller la chemise et plaider pour la diversité à tous les étages, parmi les producteurs, comme chez les scénaristes, les réalisateurs, voire les équipes de promotion…
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