Venezuela : l’après-Chávez a commencé

De nouveau opéré à Cuba d’une tumeur cancéreuse, le chef de l’État vénézuélien, Hugo Chávez, aura bien du mal à mener à son terme le mandat de six ans qui vient de lui être confié. Du coup, les appétits de ses successeurs présumés s’aiguisent…

El Comandante Chávez au palais de Miraflores, à Caracas, le 10 décembre. © Sipa

El Comandante Chávez au palais de Miraflores, à Caracas, le 10 décembre. © Sipa

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 19 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Est-ce le début de la fin pour Hugo Chávez (58 ans), le tonitruant président de la République « bolivarienne » du Venezuela ? Réélu pour un troisième mandat de six ans le 7 octobre, il a, le 11 décembre à Cuba, subi l’ablation d’une tumeur de la taille d’une balle de baseball réapparue dans la zone pelvienne. L’intervention – la quatrième, au moins, en dix-huit mois – s’est révélée « complexe, difficile, délicate », selon les termes de Nicolas Maduro, le vice-président et ministre des Affaires étrangères, qui s’est déclaré certain que « notre commandant sera de retour sous peu », tout en invitant la population à se préparer à « un scénario dur et difficile ». Des veillées de prière pour le rétablissement du chef de l’État ont été organisées dans tout le pays.

El Comandante Chávez avait tout prévu. Dans la foulée de sa victoire d’octobre, il avait remplacé à la vice-présidence Elías Jaua par Maduro. Et en annonçant, le 8 décembre, sa nouvelle hospitalisation à Cuba, il a clairement préparé sa succession. « Si quelque chose devait arriver qui me fasse déclarer inapte à ma fonction, Nicolas Maduro est en situation d’assurer l’intérim » avant la convocation d’élections, a-t-il déclaré, ajoutant qu’en cas de vacance du pouvoir, « vous élirez Maduro président de la République, je vous le demande du fond du coeur ».

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Processus constitutionnel

En fait, el Comandante simplifie le processus constitutionnel. Trois cas de figure sont prévus.

1. S’il était dans l’incapacité de remplir ses fonctions d’ici au 10 janvier 2013, date de son intronisation pour un troisième mandat, le vice-président assurerait l’intérim jusqu’à cette date, le président de l’Assemblée nationale Diosdado Cabello prenant le relais jusqu’à l’élection présidentielle qui devrait se tenir dans les trente jours.

2. Si l’incapacité survenait dans les quatre premières années de son mandat, le vice-président deviendrait président par intérim jusqu’au scrutin prévu dans les trente jours.

3. Si elle survenait au cours des deux dernières années, le vice-président reprendrait la charge présidentielle jusqu’au terme du mandat.

Guerre de succession

Bien sûr, cette mise en scène a suscité des réactions diverses. « Nous ne sommes ni Cuba ni une monarchie, s’est par exemple exclamé Henrique Capriles, le chef de l’opposition, vaincu en octobre. Le peuple aura le dernier mot. » Quant aux marchés, ils ont salué par un bond du cours des obligations publiques vénézuéliennes l’annonce de la fin d’un « règne » de quatorze ans qui a profondément divisé le pays et provoqué son isolement sur la scène internationale.

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Il semble que el Comandante ait aussi voulu couper court à la guerre de succession qui s’annonçait entre Maduro, 50 ans, et Cabello, 49 ans. Selon certains commentateurs, sa préférence pour le premier s’expliquerait par le soutien apporté à celui-ci par les frères Castro. Mais l’intéressé a d’autres atouts. Ancien conducteur de bus, puis président du syndicat du métro de Caracas, il est devenu en 2006 ministre des Affaires étrangères. À ce titre, c’est lui qui a mis en musique la prédilection de son président pour les États en butte aux attaques « impérialistes », comme la Libye, la Syrie ou l’Iran.

Orateur sanguin, il a traité John Negroponte, l’ancien sous-secrétaire d’État américain, de « petit fonctionnaire » ayant un « casier judiciaire ». Et les électeurs de Capriles, de « snobinards » et de « gros pédés », avant de faire amende honorable devant les protestations des associations d’homosexuels.

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"Boligarques"

Membre du conseil d’administration de la compagnie pétrolière PDVSA, la tirelire du régime bolivarien, et mari de la procureure générale de la République, cet apparatchik est pourtant réputé modéré. Lui seul, dit-on, serait en mesure de rassembler les différentes factions du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV).

Maduro le modéré ? Cabello le ploutocrate ? Ou un outsider ?

Diosdado Cabello, son adversaire potentiel, est un ancien militaire en qui l’opposition croit discerner un « ploutocrate par excellence ». Il aurait les faveurs de l’armée, des durs du parti présidentiel et des « boligarques », ces affairistes enrichis dans le sillage de Chávez.

Mais compte tenu de la proximité – politique et géographique – de Cuba, certains imaginent déjà que le remplacement à La Havane de Fidel par Raúl Castro puisse se répéter à Caracas, Adán (59 ans) succédant à Hugo Chávez. Certes, son frère aîné a de l’ascendant sur le président. Physicien de formation, il l’a initié au marxisme et, en tant que confident, a tendance à le tirer vers le gauchisme. Ancien ministre de l’Éducation et ancien ambassadeur à La Havane, Adán est aujourd’hui gouverneur de l’État de Barinas. À la différence de son frère, c’est un orateur dépourvu de charisme dont la popularité est loin d’atteindre les sommets. Le rôle d’éminence grise semble mieux lui convenir que la magistrature suprême.

Pétrole

La disparition de Chávez marquera une rupture importante. Pour le Venezuela comme pour l’Amérique latine. Sur le plan intérieur, l’utilisation des revenus du pétrole au profit des classes populaires – pour cette raison très attachées à la « révolution bolivarienne » – montrera ses limites : l’argent des hydrocarbures n’a pas été réinvesti dans l’exploitation de nouveaux gisements et la production a de fortes chances de se réduire.

Au niveau continental, la disparition du président fragilisera les pays qui partagent ses convictions anticapitalistes et anti-impérialistes – la Bolivie, l’Équateur et Cuba -, auxquels il apportait un soutien politique et pétrolier sans faille.

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