Rwanda : la machine FPR
Le Front patriotique rwandais (FPR) a fêté ses 25 ans le 20 décembre. Au pouvoir depuis 1994, c’est un parti dont on connaît peu les rouages, mais qui est toujours redoutablement efficace.
Un parfum de mystère flotte encore sur le Front patriotique rwandais (FPR). Au pouvoir à Kigali depuis juillet 1994, le parti célèbre en grande pompe, ce 20 décembre, son vingt-cinquième anniversaire. Mais les cérémonies ont peu de chance de lever le voile sur tous ses rouages. On cherche en vain, sur son site internet officiel, la trace d’un organigramme. Les « experts » étrangers du Rwanda avouent leur ignorance sur son fonctionnement. Quant à ses responsables, ils préfèrent décliner les interviews.
Cette extrême discrétion n’est pas nouvelle. L’Armée patriotique rwandaise (APR), branche militaire de ce mouvement créé en 1987 en Ouganda par des exilés rwandais (des Tutsis qui avaient fui les pogroms de 1959-1961 et 1973 pour la plupart), était clandestine dès son origine. Fred Rwigema, son premier chef, et son bras droit, Paul Kagamé, l’actuel président rwandais, étaient alors des personnalités éminentes du régime du président ougandais Yoweri Museveni.
Les bons comptes font les bons amis
Bras financier du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), le fonds d’investissement Crystal Ventures Ltd est devenu, au fil des années, un acteur majeur de l’économie rwandaise. Ses participations, dans des secteurs aussi diversifiés que les télécommunications (MTN), l’immobilier (Real Contractor), le BTP (NPD Cotraco) et l’agroalimentaire (Inyange Industries), valent près de 380 millions d’euros, selon le Financial Times. Ces entreprises, conçues pour lancer de nouvelles filières économiques (comme le café avec la chaîne de restauration Bourbon Coffee), sont devenues une réserve dans laquelle le parti peut puiser. La moitié des fonds de la campagne électorale de 2010 (soit 900 000 euros) en provenait, d’après Nshuti Manasseh, le président de Crystal Ventures Ltd. P.B.
Le déclenchement de leur première offensive vers le Rwanda, le 1er octobre 1990, n’a pas eu le résultat escompté. Rwigema a été tué dès le lendemain, et Kagamé, en formation aux États-Unis, est revenu en catastrophe pour prendre la tête de la rébellion. Mais cette attaque a suscité un immense espoir chez les Tutsis exilés en RD Congo et au Burundi notamment, qui pouvaient désormais rêver à un retour dans ce pays idéalisé. « Il y avait un enthousiasme incroyable, se souvient le comédien Diogène Ntarindwa, à l’époque collégien à Bujumbura. On se perfectionnait en kinyarwanda [la langue nationale, NDLR], on apprenait les danses traditionnelles et on faisait du sport autant que l’on pouvait pour être prêts. » Le financement de la guerre reposait alors sur la générosité des plus riches et les efforts de tous.
Défections
Pour ne pas démoraliser les troupes, on en parlait peu, mais le mouvement a alors subi de lourdes pertes face à une armée rwandaise soutenue par la France et le Zaïre. « Tous mes camarades de collège aptes se sont engagés », explique Ntarindwa, lui-même intégré à l’APR en 1994, à l’âge de 17 ans. « Les trois quarts ne sont jamais revenus. » Surtout, nombreux sont les combattants qui ont perdu, pendant le génocide, les membres de leur famille restés au pays.
Véritable socle du nouvel État rwandais (« moteur du Rwanda », selon l’un de ses slogans), le FPR continue de jouer un rôle clé dans la vie du pays. Le parti, dont le secrétaire général est aujourd’hui François Ngarambe, ancien exilé du Burundi, quadrille le pays jusqu’au plus petit niveau. Les défections de plusieurs cadres dirigeants, comme celle de Faustin Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major de l’APR, en 2010, prouvent que les désaccords au sommet sont parfois irréductibles. « Certains sont partis, mais d’autres nous rejoignent, a réagi le commissaire chargé de l’information, Tito Rutaremara, à la mi-septembre. Si nous parvenons à mobiliser la jeunesse, le FPR ne fera que se renforcer et restera en place pour plus d’un siècle. »
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