Emmanuel de Tailly (ex-Castel) : « L’Afrique doit devenir un champion de la production locale »
Avenir du marché des boissons gazeuses, création d’emplois, place des importations… Pour l’ancien patron de la SABC, filiale de Castel au Cameroun, le continent a les moyens de devenir une terre d’agro-industries.
Après vingt-cinq ans en Afrique dont dix-huit au sein du groupe Castel, il a tourné une page en s’installant dans sa Bretagne natale avec l’ambition de se lancer dans des projets d’ostréiculture et de mytiliculture. Mais cela n’empêche pas Emmanuel de Tailly, 56 ans, de continuer à aller en Afrique, un continent qu’il affectionne, et notamment à Madagascar, dans le cadre de missions de conseil sur des projets agro-industriels ou de management de transition. Formé en commerce et en finance internationale, il a démarré sa carrière dans la logistique au sein de Delmas Vieljeux puis de Maersk Sealand, avant de rejoindre le groupe Castel en 2004.
Passé par le Mali, le Cameroun, le Tchad, le Togo, la RDC et Madagascar, il est de retour à Douala début 2017 pour prendre la tête de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC), le leader du secteur des boissons dans le pays qui, outre la production de bière et de sodas, regroupe des filiales spécialisées dans l’eau (SEMC), l’emballage (Socaver) et l’agro-industrie (CFC). L’expérience est intense : il améliore la performance financière de l’entreprise, renforce sa vocation agro-industrielle et met en place une nouvelle gouvernance tout en s’investissant dans la vie économique locale comme vice-président du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) et président des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). Elle se solde, « au nom du management par l’exemple », par son départ volontaire en avril dernier après des accidents ayant entraîné cinq décès au sein des brasseries.
Expert du secteur des boissons et passionné par les sujets agro-industriels, Emmanuel de Tailly appelle à mettre l’accent sur la transformation locale comme clé de l’essor conjoint de l’agriculture et de l’industrie en Afrique subsaharienne.
Jeune Afrique : Concurrence accrue, baisse du pouvoir d’achat, accès difficile aux matières premières… Le contexte est compliqué pour les producteurs de boissons. Comment faire face ?
Emmanuel de Tailly : Il faut ajouter la hausse récente et brutale du coût de l’énergie à la liste des difficultés actuelles… Dans le domaine de l’agro-industrie, les acteurs qui vont le mieux résister sont ceux qui ont la capacité de valoriser les matières premières locales, d’accroître le « local content ». C’est le seul moyen de réduire la dépendance aux importations et aux cours fluctuants de devises principales que sont l’euro et le dollar, générateurs d’inflation « importée ». Un autre facteur clé tient à la taille de l’acteur. Elle doit être suffisamment importante pour qu’il puisse gérer au mieux cette inflation avec ses fournisseurs et son écosystème et, parfois, la pénurie pure et simple de ressources. La résistance vient enfin de la solidité propre aux acteurs, qu’elle soit financière ou réside dans la capacité d’investissement. Disposer d’un outil industriel 4.0 assure par exemple des gains de productivité qui permettent d’amortir les chocs.
Qu’est-ce que vous entendez par industrie 4.0 ?
Bien s’informer, mieux décider
Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan