Ligue arabe : l’Algérie refuse de laisser l’absence de Mohammed VI gâcher « son » sommet
Le 1er novembre s’ouvre le 31e sommet de la Ligue arabe, sans le souverain marocain qui a finalement renoncé à y participer. En retrait depuis plusieurs années, Alger compte malgré tout faire son grand retour sur le devant de la scène diplomatique régionale.
La dernière fois que l’Algérie a accueilli un sommet des chefs d’État arabes est si lointaine que peu d’Algériens s’en souviennent. C’était en mars 2005. À l’époque, le président Abdelaziz Bouteflika était au sommet de sa puissance – et en bonne santé – et l’Algérie tournait la page de la décennie noire. La Syrie de Bachar al-Assad était un pays stable et fréquentable, le colonel Kadhafi régnait en maître absolu de la Libye et, en Égypte et en Tunisie, Hosni Moubarak et Zine el-Abidine Ben Ali paraissaient promis à des règnes à perpétuité. Dix-sept ans après ce conclave durant lequel Bouteflika avait fait miroiter au roi Mohammed VI la possibilité de rouvrir leur frontière commune fermée depuis août 1994 avant de tourner casaque, l’Algérie accueille à nouveau, les 1er et 2 novembre, un sommet de la Ligue arabe dans un contexte national, régional et international totalement bouleversé.
Date particulière
À Alger, Abdelmadjid Tebboune a succédé au vieux président Bouteflika, chassé du pouvoir par le Hirak en 2019. Les printemps arabes ont emporté avec eux Moubarak, Ben Ali et Kadhafi, et aboli les présidences à vie. En guerre depuis dix ans, la Syrie est tombée dans les bras de la Russie et reste bannie de la Ligue arabe, tandis que la Libye peine à sortir du chaos dans lequel l’a plongée la chute du fantasque guide. L’ennemi juré, Israël, a normalisé des relations avec les monarchies du Golfe ainsi qu’avec le Maroc, dont les relations avec l’Algérie sont rompues depuis août 2021.
C’est dans ce contexte chamboulé que chefs d’État et monarques arabes se retrouvent ce 1er novembre à Alger, au somptueux Centre international des conférences (CIC) Abdelatif Rahal, situé dans la station balnéaire du Club des Pins. Que ce 31e sommet s’ouvre le jour où l’Algérie célèbre le 68e anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance de 1954 contribue à conférer à cet événement un caractère très particulier.
Retour de la diplomatie algérienne
Au-delà de l’ordre du jour, le premier enjeu de ce sommet est la participation des chefs d’État. Depuis des mois, les Algériens n’ont pas ménagé leurs efforts pour convaincre les dirigeants arabes de venir à Alger. Jamais depuis son retour à la tête de la diplomatie en juin 2020, Ramtane Lamamra n’a autant voyagé à travers le monde pour obtenir des accords de participation. « La présence de tous est indispensable afin de prendre des décisions nécessaires pour relancer la coopération entre les pays arabes », confiait le ministre à deux semaines de l’ouverture du sommet.
Certaines absences ne doivent pas occulter la forte participation
En dépit de l’absence du roi du Maroc, Mohammed VI, et de certains monarques du Golfe, comme celle de l’émir du Koweït ou encore du prince héritier saoudien Mohammad Ben Salman qui s’est excusé pour sa défection auprès du président Tebboune en invoquant des raisons de santé, les Algériens insistent sur le nombre de participants. « L’absence du prince saoudien n’est pas diplomatique, insiste un diplomate algérien. Elle a été comprise à Alger. De plus, l’émir du Qatar sera bien présent. Certaines absences ne doivent pas occulter la forte participation. »
Ce 31e sommet de la Ligue arabe marque sans conteste le retour de la diplomatie algérienne sur la scène internationale. C’est d’autant plus vrai que Bouteflika avait brillé par son absence à tous les sommets arabes et africains depuis qu’un AVC l’avait cloué sur un fauteuil roulant, en 2013. Une situation qui avait provoqué la paralysie – voire le délitement – de l’appareil diplomatique algérien. « L’ancien président du Sénat, Abdelkader Bensalah, qui représentait l’Algérie dans les grands rendez-vous internationaux pour pallier l’absence de Bouteflika, évitait même de rencontrer ses homologues étrangers, se rappelle un ancien ambassadeur. C’est dire combien l’effacement de notre diplomatie a réduit l’influence de l’Algérie sur la scène internationale. »
Premier grand rendez-vous
Si ce 31e sommet reste celui de la Ligue arabe, il n’en demeure pas moins qu’il est le sommet algérien du monde arabe, se plaisent à dire les Algériens. Il est d’abord le premier grand rendez-vous international auquel participe Abdelmadjid Tebboune. C’est que, depuis son élection en décembre 2019, le chef de l’État algérien a peu voyagé, aussi bien à l’étranger que dans le pays. « L’enjeu de ce sommet est aussi de reprendre la place laissée vide par la maladie, et l’éclipse de son prédécesseur », avance notre diplomate.
Ce 1er novembre, le président algérien pourra aussi mesurer le chemin parcouru depuis son accession au pouvoir. Le 1er novembre 2020, Tebboune était hospitalisé dans une clinique en Allemagne, où il avait été admis dans un état grave après avoir été contaminé au Covid-19. De son propre aveu, il doit la vie aux médecins allemands, auxquels il n’a pas manqué de manifester ses remerciements et sa gratitude. Une chose est sûre : ce 31e sommet de la Ligue arabe ne ressemblera pas aux autres.
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