Palestine : Hiam Abbass, femme de caractère

L’actrice palestinienne Hiam Abbass passe derrière la caméra avec un film bien plus engagé qu’il n’y paraît au premier abord.

La réalisatrice palestinienne du film Héritage. © Bruno Lévy pour J.A.

La réalisatrice palestinienne du film Héritage. © Bruno Lévy pour J.A.

Renaud de Rochebrune

Publié le 15 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

« Ce n’est pas un film politique ! » affirme à qui veut l’entendre Hiam Abbass, la grande actrice palestinienne qui réalise un premier long-métrage très attachant. Héritage, au sens strict, n’est en effet qu’une histoire familiale, un film choral. Il raconte, sur fond de bruits de guerre en Galilée, les déchirements d’une famille palestinienne. Alors que celle-ci s’apprête à célébrer un mariage, le grand-père et patriarche tombe dans le coma ; ce qui suscite des convoitises sur sa fortune. Mais, au même moment, une soeur de la future épouse, Hajar, magnifiquement interprétée par Hafsia Herzi, décide contre l’avis de tous de prendre sa liberté et de partir vivre au loin avec son amoureux britannique.

Un film apolitique ? Non, évidemment. Comment pourrait-il en être ainsi alors que Hiam Abbass raconte une véritable guerre familiale dans une ambiance explosive qui permet de faire apparaître les dilemmes auxquels sont confrontés les Palestiniens d’Israël quels que soient leur âge, leur profession, leur statut social, leur vie en ville ou à la campagne, leur position vis-à-vis de la tradition ? Impossible de ne pas ressentir la dimension immédiatement métaphorique de cette histoire, qui est celle d’une population en recherche d’identité, prise « en sandwich » – l’expression est celle de la réalisatrice – entre deux cultures. Mais Hiam Abbass craint de voir son film accueilli simplement comme une oeuvre de plus évoquant après tant d’autres le sort tragique des Palestiniens. D’où ce déni surjoué bien sûr – du caractère éminemment politique d’Héritage.

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Évidence

Un déni pour le moins paradoxal, d’ailleurs, de la part d’une femme au physique certes menu, mais au caractère on ne peut plus affirmé et aux convictions bien ancrées. Ainsi, lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de la récente percée de la Palestine à l’ONU, Hiam Abbass affiche tout de suite son enthousiasme. Et quand on remarque qu’elle ne parle que de « Palestiniens d’Israël » et jamais d’« Arabes d’Israël », elle n’y va pas par quatre chemins pour s’insurger contre la seconde formule tant prisée par ceux qui nient la spécificité du peuple auquel elle appartient. D’autant qu’elle se souvient de l’époque où l’on ne pouvait pas prononcer à voix haute le mot « Palestinien » en Israël. Et le rêve pour l’avenir de cette récente cinquantenaire, la solution qu’elle appelle de ses voeux pour que sa terre retrouve à jamais la paix ? « Un seul État sur toute l’étendue de la Palestine », sans hésitation.

Essentiellement connue comme actrice, en vedette dans beaucoup de « petits films » très remarqués (Satin rouge, Les Citronniers, La Fiancée syrienne, etc.) mais aussi courtisée par les plus grands metteurs en scène, d’Alejandro González Iñárritu (Babel) à Amos Gitaï (Free Zone) en passant par Steven Spielberg (Munich), excusez du peu, pourquoi a-t-elle éprouvé le besoin de passer derrière la caméra ? Elle ne sait que répondre car c’était devenu depuis un bon moment une évidence pour cette ancienne photographe. Elle a donc tourné deux courts-métrages au début des années 2000 puis, réécrivant un scénario qu’on lui avait proposé, a « porté » jusqu’à son terme le film qui sort le 12 décembre en salle.

Elle commence déjà à penser au suivant, qui devrait lui faire quitter le décor de son Moyen-Orient natal pour l’univers de l’Occident, où elle réside – à Paris – depuis une vingtaine d’années. Sans pour autant songer le moins du monde à abandonner sa carrière de comédienne, au théâtre ou sur le grand écran. Nul risque d’ailleurs qu’on oublie cette facette de son talent : elle sera à l’affiche de pas moins de quatre films – dont le prochain de la Marocaine Leïla Marrakchi – en 2013 !

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