Sommet de la Ligue arabe : malgré les absences, Alger satisfait des avancées obtenues
Les autorités algériennes l’avaient clamé haut et fort : le sommet de la Ligue arabe qu’elles accueillaient ces 1er et 2 novembre devait déboucher sur des décisions concrètes. Mission accomplie !
C’est sans doute l’une des images les plus marquantes de ce mardi 1er novembre, jour d’ouverture du 31e sommet de la Ligue arabe. En costume traditionnel, Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine, est accueilli au Centre international des conférences du Club des Pins par le président Abdelmadjid Tebboune en costume anthracite bleu nuit. Les deux hommes échangent une franche poignée de mains et quelques amabilités avant que le chef de l’État algérien n’en fasse de même avec ses autres hôtes.
Certes la séquence entre Tebboune et Bourita ne dure que 15 secondes, mais elle atténue quelque peu l’impression produite par l’absence du roi Mohammed VI, qui a finalement décidé d’annuler sa venue, alors qu’il était l’un des premiers dirigeants arabes à avoir manifesté sa volonté de prendre part à ce sommet.
La rencontre tant attendue entre le président Tebboune et le roi n’aura donc pas eu lieu, au grand dam de ceux qui, à Alger, Rabat et ailleurs, espéraient ou prédisaient que ces retrouvailles entre les dirigeants des deux pays voisins allaient apaiser quelque peu les tensions nées de la rupture de leurs relations diplomatiques en août 2021. Il faudra donc attendre une nouvelle opportunité pour qu’Algériens et Marocains puissent se rencontrer et se parler à nouveau.
Alger froissé par l’absence de Mohammed VI
Le soir même, le roi du Maroc invitait, par la voix de son chef de la diplomatie, le président algérien à se rendre à Rabat pour « dialoguer ». L’invitation n’a pas encore suscité de réaction officielle de la part d’Alger, mais il y a très peu de chances, voire aucune, que celle-ci soit honorée. Les Algériens ont très peu goûté la non venue de Mohammed VI, même s’ils en minimisent la portée. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, dit regretter une « occasion perdue » en évoquant l’absence du chef de l’État marocain. « Il refuse de venir à Alger mais invite le président Tebboune à aller dialoguer à Rabat, ce n’est ni sérieux ni élégant », commente de son côté un diplomate algérien sous le sceau de l’anonymat.
C’est peu de dire que les dirigeants algériens ont fait de la participation du plus grand nombre possible de chefs d’État et de monarques arabes un gage de réussite de ce 31e sommet. Depuis des mois, ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour les convaincre tous de se rendre à Alger. Mais si l’on s’en tient au décompte final des présidents et rois qui ont fait le déplacement, la participation aura été largement en dessous des attentes. Si l’émir du Qatar, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le leader palestinien Mahmoud Abbas ont fait le déplacement, tous les autres grands dirigeants, notamment ceux des pays du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Koweït, Oman, Émirats), ainsi que le roi de Jordanie, ont boudé l’événement. « Toutes les absences sont justifiées et justifiables », tempère toutefois le même diplomate algérien.
Retour au plan de paix arabe de 2002
Mais qu’importe les absences et les défections ! Pour les autorités algériennes, ce sommet aura été une réussite sur tous les plans. Avant même sa clôture, l’émir du Qatar, qui a assuré les autorités algériennes de son soutien, s’en est félicité dans un tweet qui ne manquera pas d’être largement repris par les médias locaux et les responsables. « Je félicite mon frère le président Abdelmadjid Tebboune pour le succès du 31e sommet arabe et je remercie nos frères en Algérie pour la bonne organisation et le bon accueil », écrit le prince Tamim Ben Hamad Al Thani.
Autre motif de satisfaction pour Alger : le fait d’être parvenu à remettre la question de la Palestine au cœur de l’ordre du jour, et ce après avoir réussi à réunifier, en octobre dernier, les factions palestiniennes dans la capitale algérienne. Au cours de son intervention à l’ouverture du sommet, le président Tebboune a ainsi insisté sur le retour au plan de paix arabe de 2002, qui conditionne la normalisation avec Israël à un retrait des territoires arabes occupés depuis 1967 (la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien) et l’avènement d’un État palestinien avec comme capitale Jérusalem-Est.
« Le retour à la centralité de la question de la Palestine constitue l’un des enjeux majeurs de ce sommet, analyse l’ancien ambassadeur Abdelaziz Rahabi. C’est là une approche de rupture par rapport aux précédents sommets. » C’est que depuis le sommet de Tunis de mars 2019, la donne a totalement changé avec la décision de plusieurs membres de la Ligue arabe de normaliser leurs relations avec l’ennemi juré Israël. « Les Accords dits d’Abraham signés sous la présidence de Donald Trump deviennent caduques dès lors que l’on revient au plan de paix de 2002, tranche un diplomate algérien. C’est l’une des réussites de ce sommet à mettre à l’actif de la diplomatie algérienne. »
Après avoir parrainé la réconciliation entre factions palestiniennes rivales, les Algériens entendent maintenant jouer le même rôle en Libye et réunir tous les acteurs de la crise en vue d’une solution politique au chaos que le pays traverse depuis la chute du colonel Kadhafi. Une initiative devrait être présentée dans les mois à venir, dit-on à Alger, où on n’a pas encore digéré que la candidature du chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, au poste d’envoyé spécial des Nations unies pour la Libye n’ait pas été retenue en mars 2020. Tout comme celle de son prédécesseur Sabri Boukadoum.
Réforme de la Ligue arabe
Au-delà de la question palestinienne, l’autre enjeu de ce sommet était sans doute la remise sur la table des discussions de la nécessité de réformer en profondeur la Ligue arabe, dont la création remonte à 1945. « Depuis 2005, l’Algérie n’a de cesse d’appeler à réformer le fonctionnement des instances de la Ligue, rappelle Abdelaziz Rahabi. La règle de l’unanimité autour de la Palestine qui prévalait jusque-là est devenue obsolète. Les guerres en Syrie, en Libye ou encore au Yémen ont provoqué une rupture avec ce principe. Il faut privilégier davantage le consensus pour éviter les ruptures et la paralysie de l’organisation. » Donc tenter de réunir de larges majorités, sans chercher à rallier à tout prix toutes les voix sans exception.
Le monde arabe a changé depuis que les régimes des présidences à vie ont été balayés en 2011. Les priorités de la Ligue doivent aussi changer et évoluer, insiste un diplomate algérien. « Ce 31e sommet a été l’occasion de remettre au cœur des préoccupations les questions liées à la géopolitique du gaz, du pétrole et des matières premières, la sécurité alimentaire, ainsi que la question de la bonne gouvernance et de la citoyenneté, décrypte notre diplomate. Les citoyens ne se sentent pas concernés par la Ligue arabe parce qu’ils estiment qu’ils n’y sont pas représentés. C’est l’un des enjeux majeurs qui interpellent les dirigeants arabes. »
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