Les États-Unis au bord de la falaise fiscale

Faute d’un accord entre républicains et démocrates d’ici le 1er janvier 2013, de vertigineuses coupes budgétaires et augmentations d’impôts entreront automatiquement en vigueur aux États-Unis. Au risque de plonger le pays dans la récession.

Barack Obama, de passage en Pennsylvanie le 30 novembre 2012. © AFP/Brendan Smialowski

Barack Obama, de passage en Pennsylvanie le 30 novembre 2012. © AFP/Brendan Smialowski

Publié le 10 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

À peine réélu, Barack Obama rencontre son premier écueil. Et de taille, puisqu’il pourrait fort bien envoyer l’économie américaine par le fond. Il s’agit du fameux fiscal cliff – littéralement : la falaise budgétaire -, autrement dit les 500 milliards de coupes budgétaires et d’augmentations d’impôts qui prendront automatiquement effet le 1er janvier prochain si le Congrès n’agit pas d’ici là, et qui, selon les spécialistes, pourraient plonger l’économie américaine dans la récession en 2013.

Ces 500 milliards se décomposent comme suit : près de 400 milliards d’allègements d’impôts décidés sous la présidence Bush au bénéfice de tous les ménages américains, et plus de 100 milliards de dépenses budgétaires décidées au cours de l’été 2011. On se souvient qu’à l’époque républicains et démocrates, qui s’écharpaient sur le relèvement du plafond de la dette, avaient trouvé cet accord qui permettait d’échapper au défaut de paiement. Un an et demi plus tard, rien n’est réglé. D’autant qu’au-delà même du fiscal cliff les États-Unis sont confrontés à la nécessité de réduire leur déficit budgétaire (environ 8 % du PIB en 2011) et de contenir l’explosion de leur dette : chaque minute qui passe, celle-ci augmente en effet de 3 millions de dollars !

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Si les démocrates ont conservé la Maison Blanche et renforcé leur majorité au Sénat (54 sièges), les républicains continuent de contrôler la Chambre des représentants. Dans le marathon budgétaire qui s’engage, les deux rôles principaux seront donc tenus par les mêmes acteurs qu’en 2011 : Obama d’un côté, John Boehner, le très coriace speaker de la Chambre, de l’autre. Malgré les appels au compromis, la partie de poker menteur s’annonce féroce.

La dette américaine augmente de 3 millions de dollars à chaque minute.                       

Stylo

Le président a tiré le premier. Au lendemain de son élection, il a manifesté sa volonté d’aboutir à un accord avec les républicains, puis sorti de sa poche et brandi publiquement un stylo. Il a ensuite nommé comme principal négociateur Timothy Geithner, l’actuel secrétaire au Trésor, qui quittera l’administration en janvier en remplacement de Jacob Lew, le chef de cabinet de la Maison Blanche, qui entretenait avec Boehner des relations exécrables. Mais il y a un point sur lequel il ne transigera pas : la nécessité d’augmenter les impôts des Américains les plus fortunés – ceux qui touchent plus de 250 000 dollars par an – pour sortir de l’impasse budgétaire. Une position martelée pendant toute sa campagne et rappelée une nouvelle fois le 16 novembre, lors de la réception à la Maison Blanche des principaux leaders républicains.

Et c’est précisément là que le bât blesse, puisque les républicains, Boehner en tête, ne veulent pas en entendre parler. Pour eux, le taux d’imposition des plus riches doit rester à 35 %. Leurs propositions ? Tailler dans les programmes sociaux Medicare et Medicaid et réformer le code des impôts afin d’éliminer les niches fiscales.

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Dans les deux camps, les irréductibles peu enclins au compromis sont légion. Côté républicains, on peut citer Mitch McConnell, patrons des sénateurs et acteur clé des négociations. En 2014, il sollicitera des électeurs du Kentucky un nouveau mandat, ce qui ne devrait pas l’inciter à mettre en sourdine son anti-obamisme primaire. Côté démocrates, Harry Reid, le chef du groupe au Sénat, ne devrait pas être en reste. Il s’oppose par exemple à ce que la sécurité sociale soit incluse dans le futur accord, position difficilement tenable tant l’augmentation des dépenses sociales contribue à creuser le déficit budgétaire.

Depuis sa réélection, Obama a repris la main et entend faire preuve de fermeté. Au cours des deux années écoulées, il a sans doute cédé trop de terrain aux républicains. En décembre 2010, il a par exemple accepté de reconduire les cadeaux fiscaux pour les plus riches – déjà ! – concédés par l’administration Bush. D’autant qu’un accord budgétaire conditionnera les réformes législatives qui seront entreprises au cours de son second mandat.

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Inflexible

Lors de sa première conférence de presse, le 14 novembre, il a cité parmi ces réformes celles sur l’immigration et le réchauffement climatique. Il a aussi poussé son avantage du moment avec la proposition de revenir à l’équilibre budgétaire en dégageant 1 600 milliards de dollars de revenus supplémentaires – soit le double de la somme que Boehner était prêt à accepter en septembre 2011 ! – et en se montrant inflexible sur la fiscalité. « Je ne vais pas proroger les réductions d’impôts dont bénéficient les 2 % des Américains les plus riches, parce nous ne pouvons pas nous le permettre », a-t-il indiqué. L’opération coûterait en effet quelque 1 000 milliards de dollars, alors qu’elle n’a, de nombreux économistes en sont convaincus, que peu d’impact sur la croissance. Mais le président a pris soin de ne pas fermer la porte à tout compromis. Il s’est ainsi déclaré prêt à supprimer les niches fiscales et n’envisage pas de revenir au taux d’imposition pour les plus riches pratiqué au temps de Bill Clinton : 39,6 %.

Je ne vais pas proroger les baisses d’impôts des plus riches parce que nous ne pouvons pas nous le permettre..

John Boehner, speaker du Congrès

Le 16 novembre, Obama, Reid, Boehner et McConnell se sont rencontrés à la Maison Blanche. À la sortie, les quatre hommes sont apparus tout sourire. Mais le speaker de la Chambre, à qui le président venait d’offrir une bouteille de vin italien pour ses 63 ans, était quand même un peu crispé. Un peu plus tôt, CNN avait diffusé les résultats d’un sondage montrant que 50 % des Américains imputeraient un éventuel échec des négociations aux républicains, et 29 % aux démocrates. Les deux hommes sont sans doute au bord de la « falaise » budgétaire. Mais l’un plus que l’autre.

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