UMP : Jean-François Copé, l’enfant qui rêvait d’être président
À 10 ans, il claironnait son ambition d’accéder un jour à l’Élysée. Quatre décennies plus tard, il n’y a pas renoncé. Gare à ceux – François Fillon en tête – qui s’aviseraient de se mettre en travers de son chemin ! Portrait de Jean-François Copé, président de l’UMP.
« Pour être chef du principal parti d’opposition, il faut être un bon chef de famille, savoir apaiser, dialoguer, rabibocher, rassembler… » Rétrospectivement, ce propos de Jean-François Copé ne manque pas de sel. C’était en juin, quand le désormais célèbre Rastignac de la politique française ferraillait encore à fleurets mouchetés contre François Fillon pour s’emparer de l’Union pour un mouvement popualire (UMP). Depuis l’élection interne du 18 novembre, les deux hommes ont sorti le bazooka et mis le parti à feu et à sang. Fillon tente d’aborder ce bateau ivre, Copé se cramponne à la barre avec une audace sidérante.
À 48 ans, ce combattant aguerri n’ignore rien des techniques du meurtre en politique. De ses jeunes années à Sciences-Po Paris il a retenu l’histoire de la droite française sous la Ve République, faite de trahisons et de coups bas. Plus tard, devenu un « bébé Chirac », Copé a vu son mentor flinguer Édouard Balladur, comme avant lui tous les impudents – ou les imprudents – qui faisaient obstacle à son ambition présidentielle. Une ambition que Copé revendique à son tour sans complexe : voilà des années qu’il avoue crânement guigner le scrutin de 2017. Arrogant et sans états d’âme, pour ses détracteurs ; chaleureux, drôle et sensible, selon ses proches. Sans doute est-il tout cela à la fois, mais le pouvoir et la surexposition médiatique ont une fâcheuse tendance à accentuer le « côté obscur de la force » !
L’itinéraire de cet enfant gâté commence sous les meilleurs auspices, dans une famille aimante, soudée et artiste, installée dans le VIIe arrondissement de Paris. Issu d’une famille juive de Roumanie arrivée en France dans les années 1930 pour fuir les persécutions antisémites, Roland, le père, est un chirurgien proctologue réputé. Collectionneur de tableaux et passionné de théâtre, il s’épanouit à la retraite en jouant la comédie – on l’a vu dans Les Brigades du Tigre, ou dans le rôle du maréchal Pétain dans le film La Rafle. Autant il est réservé, autant Monique, son épouse, née dans une famille juive d’Algérie, est pétulante. Cette pulpeuse brune aux yeux verts fluorescents veille avec entregent à la renommée professionnelle de son mari. Et avec fierté aux études de ses enfants : Jean-François, Isabelle, aujourd’hui avocate, et Jean-Fabrice, de quinze ans leur cadet, diplômé de HEC. La famille voyage, en Argentine surtout, par amour du tango.
Sarkozy ne ratait pas une occasion de l’humilier
Jazz
À 8 ans, Jean-François apprend le piano (électrique), s’éprend de bossa-nova et de jazz. Il continue aujourd’hui à jouer « un peu tous les jours », compte les chanteurs Véronique Sanson et Yves Duteil parmi ses amis, se produit parfois lui-même, avec des copains, dans des brasseries, des banquets de retraités ou au Festival Muzik’elles, qu’il a créé dans sa ville de Meaux. À 10 ans, il attrape le virus de la politique en découvrant la campagne de Valéry Giscard d’Estaing à la télévision. « Je serai président », lance alors le gamin à la cantonade. Son boucher de quartier, ses camarades du lycée Victor-Duruy, ses condisciples de Sciences-Po Paris puis de l’ENA (1987-1989)… tout le monde est au courant. « Vous assistez au mariage du futur chef de l’État », se serait-il écrié le jour de sa première union (avec Valérie Ducuing, consultante en relations publiques, dont il aura trois enfants).
Cette anecdote est-elle inventée ? Qu’importe, pourvu qu’elle serve la légende… Alors conseiller à la mairie du VIIe arrondissement et spécialiste des questions budgétaires (à la Caisse des dépôts et consignations), Copé bétonne des dossiers techniques, répétant – par coquetterie ? – qu’il est davantage un gros bosseur qu’un brillant sujet. Il joue assidûment au tennis, cultive un cercle d’amis qui lui vouent une admiration sans bornes et suscite des jalousies. « Il était très gentil, très serviable, le coeur sur la main, se souvient une de ses anciennes camarades. Il a débuté en politique [au RPR, l’ancêtre de l’UMP, NDLR] en distribuant des tracts, car il disait qu’il fallait commencer comme un militant de base. » « Il était très professionnel, méthodique et très ambitieux », persifle Nicolas Dupont-Aignan, sorti de la même promotion à l’ENA, mais dont la réussite en politique est moins éclatante.
Charmeur quand il le veut, Copé se constitue un beau carnet d’adresses. Et, soucieux de son image, se fait opérer de sa myopie pour ne plus cacher ses yeux bleus derrière des lunettes. En 1993, il est directeur de cabinet du ministre chargé des Relations avec le Sénat. Deux ans plus tard, il devient député de Seine-et-Marne et maire de Meaux, passant des beaux quartiers de son enfance à une réalité quotidienne plus difficile.
Mon prénom est Nadia, celui de mon frère est Karim. Non, mon mari n’est pas raciste.
Nadia Hamama, épouse de Jean-François Copé
Il essuie son premier échec aux législatives de 1997. Par chance, Chirac, qu’il a préféré à Balladur en 1995, le prend sous son aile. Il sera ministre délégué à l’Intérieur (2004) puis au Budget (2005) et porte-parole des gouvernements de Raffarin et de Villepin, dont il est proche. Pas de quoi plaire à Sarkozy, que son caractère irrite de surcroît. Ils ont des tempéraments trop proches, affirment certains. D’autres se gaussent de l’application que met le cadet à copier son aîné. Il en est en tout cas mal récompensé : élu président, Sarkozy ne veut pas entendre parler de lui comme ministre et ne manque pas une occasion de l’humilier. Maigre consolation, Copé accède à la présidence du groupe UMP à l’Assemblée et met un point d’honneur à dynamiser cette fonction un peu terne. Contre toute attente, il se convertit au travail collectif, anime une majorité qui refuse le béni-oui-ouisme et gagne ainsi l’estime de ses collègues. Mais lorsqu’il devient avocat chez Gide Loyrette Nouel, l’un des plus gros cabinets parisiens, et que la presse publie des photos de ses vacances dorées chez Ziad Takieddine, ce sulfureux businessman d’origine libanaise impliqué dans l’affaire de Karachi, son image en pâtit. Il l’adoucit en s’entourant de conseillers en com’. Décomplexé depuis l’élection de Sarkozy, il se revendique, à son exemple, comme un « petit Français de sang mêlé » et assume désormais ses origines juives (laïques), qu’il a longtemps eu tendance à cacher.
Tremplin
Fin 2010, son rêve se réalise : il devient secrétaire général de l’UMP, un tremplin présidentiel qu’il met à profit pour s’entourer d’une myriade de think-tanks et placer ses hommes à des postes clés. Tout en droitisant son discours, il s’affiche de plus en plus au bras de Nadia Hamama, une jeune femme d’origine algérienne, mère de son quatrième enfant, qu’il a épousée en 2011 devant une brochette de people. Toute dévouée à sa carrière, Nadia lui sert de trait d’union avec la communauté musulmane de Meaux. Qu’a-t-elle pensé, en octobre dernier, quand il a lancé la fameuse polémique du « pain au chocolat » – une diatribe dénonçant le « racisme anti-Blancs » et les « voyous » qui « empêchent les autres de manger pendant le ramadan » ? « Je suis un peu choquée par ce qui a été dit sur mon mari. Je m’appelle Nadia, mon frère s’appelle Karim. Mon mari ne m’aurait pas épousée s’il était raciste », assure-t-elle, éperdue d’admiration pour son champion.
Un champion aujourd’hui contesté et qui passe aux yeux de tous pour un assoiffé de pouvoir. À force de trop vouloir forcer son destin, Copé va-t-il se brûler les ailes ? Sans doute estime-t-il froidement que les péripéties d’aujourd’hui paraîtront bien lointaines aux électeurs lors de la véritable échéance. Celle de 2017.
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