Djibouti au secours de la Corne de l’Afrique
Après avoir fait transiter le matériel de lutte anti-Covid destiné à la sous-région, le pays a réceptionné en septembre le premier navire chargé de blé ukrainien à rallier le continent, et confirme son rôle de base logistique humanitaire régionale. Reportage.
Djibouti, contre vents et marées
Quarante-cinq ans après son indépendance, la petite République de 1 million d’habitants conforte son rôle de carrefour régional, où la tradition du « vivre ensemble – qui a tant fait défaut à ses voisins – semble intacte.
Le 30 août, le port de Djibouti a été au cœur de l’actualité avec la réception dans ses vieux bassins du Brave Commander. Le vraquier battant pavillon libanais avait quitté le port ukrainien de Pivdenny le 17 août au matin, avec à son bord 23 000 tonnes (t) de blé destinées à l’Éthiopie, première livraison du genre pour l’Afrique. Déchargée en moins de 72 heures à Djibouti, la cargaison est arrivée le 7 septembre en Éthiopie, permettant à 1,5 million de personnes touchées par la situation dans le Tigré de s’alimenter pendant un mois.
Selon les Nations unies, depuis le 22 juillet et la levée de l’embargo, une trentaine de navires ont réussi à quitter la mer Noire pour livrer près de 1 million de t de céréales en Europe, en Asie, au Moyen-Orient… Seul le Brave Commander a rallié l’Afrique, dont l’approvisionnement d’urgence est pris en charge par l’ONU à travers son antenne du Programme alimentaire mondial (PAM), sur financement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Cette dernière a débloqué 68 millions de dollars pour l’achat de 563 000 t de céréales ukrainiennes.
Un deuxième chargement, de 37 000 t de blé cette fois, a pu rejoindre le Yémen courant septembre. C’est tout ce que la région a reçu jusqu’à présent, alors que les Russes menacent un peu plus chaque jour de fermer le robinet.
Cinq ans de terrible sécheresse
La situation est pourtant dramatique dans cette région du globe politiquement instable qui, en outre, doit faire face à l’une des plus terribles sécheresses de son histoire. « Plus de 22 millions de personnes sont directement concernées par la malnutrition dans la région », estime Claire Nevill, responsable de la communication du PAM dans la sous-région.
16 % des Djiboutiens seraient en situation de stress alimentaire
L’Éthiopie, la Somalie et le Kenya sont particulièrement touchés par les risques de famine, tout comme Djibouti où, selon les responsables de l’agence onusienne, près de 16 % de la population serait en situation de stress alimentaire. Sans pluies fortes et régulières depuis bientôt cinq ans, le pays aurait perdu plus d’un tiers de son cheptel. Un contexte forcément inquiétant qui a poussé les pouvoirs publics djiboutiens à tirer la sonnette d’alarme pour demander officiellement le soutien de la communauté internationale.
Distributions de vivres et aides de l’État
Dès le 22 février 2022, le gouvernement djiboutien déclare l’état de sécheresse. En mars, les premiers millions de dollars de dons apportés par les bailleurs de fonds internationaux commencent à être mobilisés, lesquels permettent, quelques semaines plus tard, d’amorcer les distributions de vivres à travers le pays. En s’appuyant sur le fichier national mis en place ces dernières années par les services du ministère des Affaires sociales, 30 000 ménages en très grande difficulté ont vite été identifiés. Aujourd’hui, près de 23 000 d’entre eux ont reçu une aide.
« La situation est désormais sous contrôle », assure Barisso Abdi, du ministère des Affaires sociales, qui estime que la population a été rassurée par la réponse du gouvernement.
Le coût du panier alimentaire moyen fourni par le PAM a augmenté de 68 % en un an
Aux nombreuses distributions de nourriture effectuées « physiquement » sur le terrain par le PAM et les agents du ministère s’ajoutent celles exécutées « virtuellement ». Grâce à une carte créditée de 10 000 francs djiboutiens (56,5 euros) par mois, son détenteur peut acheter des produits de première nécessité dans des magasins accrédités par l’agence onusienne dans chaque chef-lieu de région. « Le commerçant envoie ensuite la facture au PAM », explique Barisso Abdi. Une formule qui permet de limiter les possibles distorsions tarifaires sur les marchés locaux. Surtout au moment où les premiers effets de l’inflation commencent à se faire sentir.
Base sous-régionale du PAM
« Le coût du panier alimentaire moyen fourni par le PAM a augmenté de 68 % en un an », précise Lina Mustapha, depuis l’antenne de l’organisation à Djibouti, qui doit également s’occuper des 4 000 réfugiés originaires des différents pays de la sous-région et regroupés dans les camps d’Obock et d’Ali-Sabieh. « Sans ressources financières supplémentaires, nous pourrions avoir des difficultés à nourrir tout le monde », estiment les responsables régionaux du PAM, qui concèdent avoir eu parfois des difficultés à sensibiliser les donateurs à une problématique qui ne concerne « que » 100 000 personnes – contre 11 millions en Éthiopie – « dans un pays, qui plus est, perçu depuis l’extérieur comme étant en sécheresse permanente », ajoute Lina Mustapha.
Le PAM a fait de Djibouti sa base sous-régionale depuis 2017. Aux portes de la capitale, non loin du port et de ses zones franches, il dispose d’une Humanitarian Logistic Base (HLB, base logistique humanitaire) constituée de deux entrepôts pour les vivres, médicaments et autres produits non alimentaires, ainsi que de quatre silos d’une capacité de 10 000 t chacun, construits pour réceptionner les céréales. La HLB, dont la construction a coûté 30 millions de dollars, est également utilisée par les différentes agences onusiennes qui travaillent dans la sous-région… Faisant de Djibouti un passage obligé de l’aide internationale destinée à la Corne de l’Afrique.
Plus de 1 million de tonnes de marchandises en tout genre ont transité par la HLB en 2021, avant d’être chargées sur l’un des 350 camions estampillés PAM qui sillonnent en continu le corridor éthiopien jusqu’au Soudan du Sud. « Nous pouvons également servir le Yémen et la Somalie si nécessaire », affirme Lina Mustapha, à l’ombre des silos qui, en ce mois de novembre, abritent un peu plus de 20 000 t de blé indien.
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